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interrompue : il le fit nommer professeur de physique au collège de Dole. Cependant les nécessités du physicien ne se bornent pas aux satisfactions de la vie matérielle; il lui faut un cabinet bien peuplé d’appareils de recherches, il a besoin d’artistes qui puissent les exécuter avec précision, et Melloni s’aperçut bientôt qu’il était chargé d’enseigner la physique sans avoir un instrument pour la démontrer; il prit patience, amassa quelques épargnes, et partit pour Genève.

Genève offrit abondamment à Melloni toutes les ressources qu’il n’avait point trouvées à Dole; il termina rapidement ses premières et ses plus remarquables recherches, et, pressé d’en recueillir le fruit, il revint à Paris communiquer à l’Institut le premier de ses mémoires. Les vues développées dans cet important travail étaient par malheur en désaccord avec des idées qu’une longue habitude avait rendues respectables. Melloni proposait l’introduction d’un appareil nouveau dont on ne connaissait ni la valeur ni l’exactitude; ses idées avaient le tort de toutes les innovations; elles eurent à l’origine le destin des découvertes inattendues. Des objections furent présentées, des dénégations se produisirent, et la commission nommée pour l’examen des travaux de Melloni, comprenant la responsabilité qui pesait sur elle, fit attendre le rapport que l’auteur réclamait avec une impatience extrême. Il résolut alors de se passer du suffrage qu’il avait sollicité, et publia ses travaux. Ce qu’il faut regretter, ce ne sont point les sages lenteurs de l’Académie, ce n’est pas cette résolution de Melloni : chacun était dans son rôle, Melloni comme l’Académie; ce qu’il faut regretter, c’est un ressentiment injuste que Melloni n’a pas caché et qu’il n’a jamais oublié.

Les publications de Melloni furent lues par les savans français comme par les savans étrangers, et accueillies avec une extrême faveur. Les mémoires qui les suivirent, confirmant la réputation de l’auteur, achevèrent de convaincre les corps savans, et l’Académie chargeant une nouvelle commission de l’examen général de ces mémoires, M. Biot accepta le rôle de rapporteur. Si Melloni avait eu primitivement, ce dont il est permis de douter, des motifs pour se plaindre, il eut cette fois des raisons incontestables pour se féliciter; il put attendre avec confiance le jugement du rapporteur. Le public comptait sur un chef-d’œuvre, et son attente ne fut pas trompée.

Mieux renseigné que personne sur les travaux antérieurs, habile surtout dans la discussion et l’appréciation des expériences délicates, M. Biot avait sans doute été attentif aux procédés employés par Herschel, et ce qu’ils laissaient à désirer au point de vue de l’exactitude ne lui avait point échappé. Dès lors, ce qu’il devait étudier spécialement dans les résultats soumis à son examen, c’était leur degré de précision. Là était en effet la question capitale, car, s’il avait reconnu.