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naturellement à penser que les idées qu’elle nous a données étaient aussi claires dans l’esprit de l’astronome anglais que dans le nôtre. En cela, nous pouvons être mauvais juges, et c’est ce que l’on perd trop souvent de vue dans ces sortes de débats sur la priorité des découvertes. Ce qui le prouve jusqu’à un certain point dans l’exemple présent, c’est l’oubli dans lequel étaient tombées ces expériences d’Herschel, oubli qui atteint rarement les principes bien établis et clairement exprimés.

La notion de thermochrose établie par Melloni paraît, nous devons en convenir, aussi naturelle que facile à comprendre. Il y a cependant quelques raisons pour regretter qu’elle ait été introduite, d’autant que l’on pouvait exprimer les phénomènes d’une autre manière qui aurait eu pour elle l’avantage d’une plus grande simplicité.

Quand on étudie la lumière, on l’analyse avec les yeux, et on en différencie les espèces par la diversité des impressions qu’elles produisent : leur couleur est ici un caractère appréciable, une propriété physique que chacun saisit; mais il n’en est point de même dans la chaleur. Nous sommes aveugles sur ce point, et la notion de couleur calorifique n’existe que dans notre esprit, où elle prend naissance par une généralisation philosophique fondée sur l’analogie, et qui n’est établie sur aucun caractère physique apprécié. On pouvait au contraire remarquer, d’après Newton, que chaque lumière simple éprouve, en traversant un prisme, une déviation spéciale qui la sépare de toutes les autres, tellement que nous avons pour la définir une autre propriété que sa couleur : nous avons sa réfrangibilité, c’est-à-dire une propriété physique indépendante de nos sens et des illusions ou des imperfections de l’œil. Cette manière de définir un rayon de lumière s’applique avec le même degré de rigueur et absolument la même signification à un rayon de chaleur. L’expérience primitive d’Herschel a démontré qu’un flux calorifique se sépare comme un flux lumineux en traversant le prisme, et se résout en une infinité de radiations diversement déviées, dont chacune a pour propriété spéciale une réfrangibilité distincte qui peut servir à la définir.

En disant avec Melloni qu’il y a des chaleurs d’un thermochroïsme différent, on exprime une qualité que l’on conçoit, mais qui ne se réalise point, et qui ne pourrait être perçue qu’avec un organe dont nous ne sommes point doués. En établissant au contraire leur distinction sur la réfrangibilité particulière de chacune d’elles, on les représente sans qu’il reste aucun vague par une propriété saillante et toujours observable. Alors il sera permis de remarquer que certaines d’entre ces chaleurs accompagnent les rayons rouges, bleus ou verts, et on pourra les nommer chaleurs rouge, bleue ou verte, sans