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qui se présente se rapporte aux études de sa jeunesse, aux maîtres qui lui ont ouvert la voie, et sur ce point capital ses laborieux biographes n’ont jeté qu’un jour incomplet. A proprement parler, ils n’ont guère formulé que des solutions négatives. Ils ont victorieusement réfuté les erreurs accréditées depuis trois siècles, sans établir avec évidence la vérité qui doit les remplacer. Nous savons à merveille maintenant ce qu’il nous est défendu de croire : nous sommes très loin de connaître aussi bien la croyance qui nous est permise, la seule que la raison puisse avouer. Par les documens mis sous nos yeux, nous sommes amenés à comprendre qu’Antonio Allegri n’a pu apprendre les premiers élémens de son art dans l’atelier d’Andréa Mantegna : le rapprochement des dates suffit pour le démontrer. Le chef de l’école de Parme est né en 1494, et Andréa Mantegna est mort en 1506. Les leçons qu’aurait pu recevoir un enfant de douze ans ne sauraient être considérées comme la véritable origine de son style. Veut-on que le Corrège ait étudié dans l’atelier de Francesco Mantegna, fils d’Andréa ? Les leçons d’un tel maître, si on en juge d’après ses œuvres, ne pouvaient avoir une grande autorité. Nous sommes donc obligés de renoncer aux deux Mantegna; mais quel fut le premier maître du Corrège ? Les investigations les plus récentes tendent à démontrer qu’Antonio eut pour premier guide dans le maniement du crayon et du pinceau son oncle paternel, Lorenzo Allegri, En admettant comme vraie cette dernière affirmation, nous sommes encore fort embarrassés : Lorenzo Allegri ne jette pas grande lumière sur le style du Corrège.

La tradition place la naissance du Corrège en 1494, mais sans désigner ni le jour ni le mois, et les investigations les plus patientes n’ont pu fournir aucun document positif à cet égard. Son père s’appelait Pellegrino Allegri, et sa mère Bernardina Piazzoli. Le nom qu’il porte dans l’histoire de la peinture est celui de sa ville natale, Correggio, dans le duché de Modène. Sa famille, sans posséder de grandes richesses, n’était cependant pas réduite à la condition précaire dont parle Vasari. Nous savons en effet par les nouveaux documens publiés à Parme en 1817 et 1818 que le jeune Antonio fut initié à la littérature par Giovanni Berni de Plaisance, par Marastoni de Modène, et à la philosophie par Lombardi de Correggio. Or ces trois hommes, bien qu’ils ne jouissent pas d’une renommée européenne, s’étaient acquis l’estime de leurs concitoyens par l’étendue de leur érudition, par la pureté de leur goût, par l’élévation de leur pensée. Pour confier l’éducation d’Antonio Allegri à de tels maîtres, il fallait que sa famille fût à l’abri de la pauvreté. Si Pellegrino Allegri eût été obligé de subvenir par un travail quotidien aux premiers besoins de la vie, il n’aurait pas songé à développer d’une manière générale