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emballée, de mon mieux… va… sois tranquille… comme tu vas m’emballer… moi-même. Service pour service,… Pas vrai ?… Tu comprends que toutes ces affaires de procès… nous ont donné le coup… à ta mère, à ton père et à moi.

— Mon père !

— Oh ! lui… il est encore là… qui t’attend. Va, sois tranquille. Les hommes… c’est plus dur… que les femmes ; mais il nous a pris la fièvre, et j’ai dit à la Pélagie, tout comme je te dis ici : — Sois tranquille ; c’est moi qui m’en charge… de Tanisse. — Ainsi tu vois donc bien ! Allons, Tanisse, mon petit, voyons ! ne pleure donc pas comme ça. Pour lors, quand on m’a vue au lit, voilà qu’il s’est trouvé que j’avais une masse… de parens… tu comprends… Par rapport à mes billets… dont ils croyaient déjà hériter… Moi… quand je les ai vus venir… comme ça… des gens… qui m’auraient bien laissé manger au loup… de mon vivant, je me suis dit : Minute, on ne part pas… toutes les fois qu’on emballe ! Il faudra bien que j’en revienne encore de celle-ci pour quelques jours… Je veux d’abord revoir mon Tanisse, tu comprends….. Pour lors voilà que, quand j’ai pu me lever, je suis allée chez le notaire, et je lui ai dit : — Monsieur le notaire, il me faut mon argent… Deux jours après, il m’a apporté mes quinze cents francs. J’en avais seize, mais j’en ai donné cent à ta mère pendant qu’elle était malade,… en lui disant… que cela venait de toi. Elle a cru ça, la Pélagie. J’ai mis mes quinze cents francs dans le bas… que voilà. Je les ai attachés… en ceinture… sur mes reins, et j’ai fermé ma porte en me disant : Je veux aller voir mon Tanisse. J’avais une fièvre de cheval, c’est pas là l’embarras ; mais je me suis dit que j’y mettrais le temps qu’il faudrait, et puis que le long du chemin je trouverais peut-être des voituriers complaisans. Je suis donc arrivée ici aux portes de la ville ;… mais il paraît que je n’en pouvais plus, et que je suis tombée… sur le pavé… les quatre fers… en l’air. Des gendarmes sont venus près de moi en me parlant leur charabia, que je n’y entendais goutte. Moi, je leur ai dit : — Je veux voir mon Tanisse !… — Qu’est-ce, votre Tanisse ? qu’ils m’ont dit. — C’est Tanisse… de chez le Vacciné ; ne le connaissez-vous pas ? — De tous ces imbéciles-là, pas un ne te connaissait. Pour lors ils se sont mis à me tâter. Quand ils ont senti mon paquet d’argent, ça leur a fait relever le nez. L’argent,… vois-tu,… ça fait toujours de l’effet. Il y en a un qui a dit qu’il fallait m’apporter ici… vu que j’avais de quoi payer. Il est venu un grand docteur qui a l’air assez bon enfant, ça c’est vrai. Je lui ai demandé s’il te connaissait ; il m’a dit que non. Alors il m’a demandé ce que tu faisais, je lui ai dit que tu faisais des livres ; — d’où tu étais, je lui ai dit : — De Vuillafans. — Où est ça, Vuillafans ? — C’est près d’Ornans. — Où est-ce ça, Ornans ? —