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furent les mêmes, faciles à duper, faciles à s’irriter, puis quand leurs passions et leurs faiblesses sont en jeu, se refusant à la lumière et voulant être trompés.

Sous le fastueux et bizarre Nabuchodonosor et sous sa femme Nitocris, l’empire babylonien atteignit le plus haut degré de puissance. « Quels ouvrages n’entreprit-il point dans Babylone ! s’écrie Bossuet ; quelles murailles, quelles tours, quelles portes et quelles enceintes y vit-on paraître ! Il semblait que l’ancienne tour de Babel allât être renouvelée dans la hauteur prodigieuse du temple de Bel, et que Nabuchodonosor voulût de nouveau menacer le ciel. » A en croire d’anciennes traditions, ce prince aurait poussé ses conquêtes jusque dans la Libye et en Espagne[1]. Sous ses successeurs amollis dont Daniel fut le ministre, qui aimaient la vérité, mais qui ne savaient ni la faire accepter ni la faire respecter par leurs sujets, qui les appelaient des rois juifs, la race chaldéenne fut vaincue une dernière fois et asservie par les Mèdes et les Perses. Maître à son tour de Babylone, Alexandre fut séduit par l’aspect de grandeur de cette ville et songea à en faire la capitale de son vaste empire ; mais la mort ne lui permit pas d’accomplir ses projets. Cette mort porta à la splendeur de l’antique cité chaldéenne un coup dont elle ne se releva jamais ; sa ruine fut rapide et justifia bientôt les paroles des prophètes :

« Cette grande Babylone, cette reine entre les royaumes du monde, qui avait porté si haut l’orgueil des Chaldéens, sera détruite comme le Seigneur renversa Sodome et Gomorrhe ;

« Elle ne sera plus jamais habitée, elle ne se rebâtira point dans la suite de tous les siècles ; les Arabes n’y dresseront pas même leurs tentes, et les pasteurs n’y viendront point pour s’y reposer ;

« Mais les bêtes sauvages s’y retireront, ses maisons seront remplies de dragons : les autruches y viendront habiter, et les satyres y mèneront leurs danses[2]. »

La prophétie suivante est la seule peut-être qui ne se soit pas accomplie : « On ne tirera point de toi de pierre pour l’édifice, ni de pierre pour le fondement, mais tu seras éternellement détruite, dit le Seigneur[3]. » En effet, Ctésiphon et Bagdad, ces rivales de Babylone, ont été construites avec des matériaux provenant de ses ruines ; aujourd’hui la petite ville musulmane de Hillah et plusieurs villages qui s’élèvent sur son emplacement sont bâtis avec les débris de ses palais et de ses temples. On peut même considérer ces temples et ces palais comme autant d’inépuisables carrières, exploitées encore de nos jours par les sakkharah ou extracteurs de briques.

M. Oppert, membre de l’expédition française de Babylonie, a réuni, sur l’histoire primordiale des peuples qui ont habité ou conquis la Chaldée, des monumens d’une haute importance et qui éclaireront bien des points restés obscurs. M. Oppert paraît croire à l’existence de deux Babylones, celle de Sémiramis et celle de Nabuchodonosor, construites toutes deux sur l’emplacement des

  1. Josèphe, Ant. liv. X, ch. XI.
  2. Isaïe, chap. XIII.
  3. Jérémie, chap. LI, v. 6.