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cachot, qu’ils auraient déclaré trop chaud ou trop humide, et les médecins, après avoir palpé sa tête ou sondé son tempérament, se seraient écriés : Une forte nature, malheureusement mal dirigée! Je dois dire toutefois que ce sentiment malsain n’a été général qu’en France. Tous les livres, toutes les brochures, tous les traités, tous les romans qui ont été composés chez nous sur les classes populaires ne se rapportent presque jamais qu’aux criminels ou à ceux qui sont prêts à le devenir. En Angleterre au contraire, les classes pauvres et restées morales ont conquis l’attention de la société, ou à tout le moins, ce qui est important, l’ont partagée avec les malheureux devenus la proie du crime.

Quoi qu’il en soit, cette populace est digne d’attention, non-seulement parce qu’elle est dangereuse, mais surtout et avant tout parce qu’elle est une honte et un scandale. Le sauvage de la nature n’est qu’un être bizarre qui reculerait de dégoût devant le sauvage de la civilisation. Lorsque les Indiens Ojibbeway étaient à Londres, raconte M. Vanderkiste, quelques personnes s’efforcèrent de les convertir au christianisme, et s’attirèrent de la part du chef de ces sauvages la réponse suivante : « Mes amis, je vous dirai que lorsque nous sommes venus dans ce pays, nous pensions que les blancs étaient tous des hommes bons et tempérans; mais plus nous voyageons et plus nous nous apercevons que cette supposition était une erreur. A notre arrivée, nous pensions que la religion des blancs faisait de tous d’honnêtes gens, et nous désirions, à cause de cela, nous entretenir avec vous; mais maintenant nous devons dire que nous ne le désirons plus du tout. Mes amis, je suis tout prêt à converser avec vous, si cela peut faire quelque bien aux milliers d’individus pauvres et affamés que nous voyons chaque jour dans vos rues à mesure que nous les traversons. Nous voyons des centaines de petits enfans les pieds nus dans la neige, et nous avons pitié d’eux, car nous savons qu’ils sont affamés, et nous leur donnons de l’argent toutes les fois que nous passons près d’eux. En quatre jours, nous avons donné vingt dollars à ces enfans affamés, et nous ne donnons notre argent qu’aux enfans. On nous rapporte que les parens de ces petits malheureux vivent dans des cabarets où ils achètent de l’eau de feu, s’enivrent, et dans leurs discours insultent et blasphèment à chaque instant le Grand-Esprit. Vous parlez d’envoyer des habits noirs aux Indiens; mais nous n’avons pas de tels petits malheureux parmi nous, nous n’avons pas de tels ivrognes, ni des gens qui blasphèment ainsi le Grand-Esprit : les Indiens n’osent pas agir ainsi; ils implorent le Grand-Esprit, et il est bon pour eux. Nous pensons donc qu’il vaudrait beaucoup mieux que vos prédicateurs restassent chez vous, et qu’ils employassent tous leurs