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l’activité spontanée de l’homme est toujours préférable à l’action mécanique, régulière, froide et dure des gouvernemens.

Le travail seul, un travail forcé, continuel, sans temps d’arrêt, sans chômage, sans trop grandes variations de salaire, est susceptible de moraliser ces populations misérables. La religion n’a aucune prise sur elles, et surtout le protestantisme. Le protestantisme, de sa nature, est populaire, mais non populacier ; il admet bien des variétés d’opinions, de croyances, de caractères, mais il procède aussi par larges catégories d’exclusion. Il a plus d’esprit de justice que d’esprit de mansuétude, et comme il a ses prédestinés à la damnation ou au salut, il a aussi ses parias, qu’il repousse et refuse d’admettre, même lorsqu’il va vers eux leur porter des paroles de paix. Le protestantisme est essentiellement une religion d’honnête homme, de solide fermier, de rude yeoman, de vertueux squire, une religion de père de famille et de citoyen, excellente pour tous ceux qui ont à remplir un devoir social, à s’acquitter de leurs fonctions de juré, d’électeur, de maire et d’alderman ; mais il n’a aucune consolation à donner à ceux qui sont devenus la proie du mal et le jouet de Satan : s’ils ne veulent ou ne peuvent pas se convertir, qu’ils croupissent dans leur damnation temporelle en attendant la damnation éternelle qui leur est réservée ! Le catholicisme agit d’une manière diamétralement différente, et il est remarquable que c’est la seule religion qui ait pu tirer quelque parti de la populace. Il ne la convertit pas, il ne la rend ni plus riche, ni plus laborieuse, ni plus vertueuse ; il la console et la rend inoffensive, lui arrache ses dents venimeuses et lui rogne ses griffes terribles. Le catholicisme a pour le mendiant une mine inépuisable d’espérances ; il a des images, des rosaires, des scapulaires, des amulettes, doux opiums faits pour endormir la douleur et peupler de beaux rêves la vie des misérables. Aussi le catholicisme est-il et sera-t-il de tout temps la religion préférée des deux plus malheureuses catégories d’hommes qui existent : dans les bas-fonds de la société, la religion de tous les pauvres diables dont le sort est irrévocable, et auxquels toute espérance temporelle est interdite ; — dans les hauteurs brillantes du monde, la religion des hommes qui ont trop vécu, et sur lesquels tout sentiment terrestre est désormais sans action. Il est trop certain que tous les malheureux que M. Vanderkiste a prêches sont de fort médiocres protestans, et qu’ils ne comprennent pas un mot de leur religion. Aux questions posées par le prédicateur, ils font les réponses les plus dérisoires et les plus grotesques. Comment en serait-il autrement ? Le protestantisme, qui pour un homme cultivé est un système fort simple, qui philosophiquement est beaucoup moins abstrait et compliqué que le catholicisme, ne peut cependant être compris que très