Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/710

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tout à fait modifié ses mœurs et ses habitudes primitives : il n’allait presque plus dans l’eau et se plaçait l’hiver près de son maître, au coin du feu, le ventre sur la cendre tiède. Dressé par l’homme, le phoque serait pour la pêche ce que le chien est pour la chasse. La seule difficulté réside dans la circonscription géographique de cet animal. Les naturalistes ont observé un fait dont ils se sont peut- être trop hâtés de déduire une loi. Le fait, le voici : aucun des animaux exotiques acclimatés maintenant en Europe n’est originaire d’une contrée plus froide que la nôtre. — On peut répondre à cela que la civilisation étant partie de l’Inde, de la Perse, de l’Égypte, il est tout naturel que nos animaux domestiques aient suivi dans sa marche vers l’occident cette civilisation dont ils étaient les ouvrages et les membres indispensables. Il est vrai que les races du nord sont aussi descendues à plusieurs reprises sur le midi de l’Europe ; mais quelle différence dans la nature de ces mouvements ! La marche de l’élément social qui s’avance d’orient en occident a toute la majesté de l’évolution solaire, tandis que les déplacements des races septentrionales ont toujours le caractère d’invasions tumultueuses. Une violence stérile a marqué partout le passage de ces torrents de barbares, qui, après avoir détruit les anciennes sociétés, ont fini par s’évanouir dans leur victoire.

À supposer d’ailleurs que ce fait historique fût une loi de la nature, il ne saurait rien prouver contre la conquête probable du phoque. Quoique cet animal soit un hôte des mers du Nord, il vit dans des latitudes assez variées. Les côtes de la Belgique et de l’Angleterre pourraient convenir à son éducation. Pour concevoir l’importance de cette œuvre, il faut se dire que sur cette solitude des mers, sept fois grande comme la terre, l’homme ne compte jusqu’ici que des ennemis. De quel intérêt ne serait-il point pour lui de se faire, au milieu du peuple actuel des eaux, un allié, un ami, un compagnon, un auxiliaire qui le suivrait dans ses entreprises ! Les résultats les plus positifs et les plus concluants ont été obtenus déjà sur des individus ; il ne s’agit plus que d’étendre les mêmes dispositions à la race, et on peut dire que le phoque est une conquête toute préparée par la nature.

Si de la famille des carnassiers nous passons à celle des herbivores, nous trouvons que l’Europe manque de plusieurs espèces domestiques auxquelles les civilisations de l’Asie, de l’Afrique et du Nouveau-Monde doivent une partie de leurs richesses, celles que donnent le chameau, le dromadaire, l’hémione, le couagga, le lama, l’alpaca. Le chameau et le dromadaire par leur sobriété, leur patience, la structure de leur estomac, qui leur permet d’endurer la privation d’eau, rendraient dans les pays secs et montagneux de l’Europe des