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douloureux ; il le fit enfin, et sacrifia Sirmium. Baïan, qui n’avait cessé de déclarer qu’il voulait la ville nue, les murailles, et pas davantage, exigea dans la capitulation que les habitans, qui sortiraient, laisseraient leurs meubles, même leurs habits ; il exigea en outre que l’empereur lui fît le rappel des trois dernières années de sa pension, ce qui faisait deux cent quarante mille pièces d’or, à raison de quatre-vingt mille par année. Enfin, comme il fallait toujours une nullité dans toutes les conventions que consentait le kha-kan, il voulut imposer aux Romains l’obligation de trouver dans l’empire et de lui livrer un transfuge avar qui avait eu commerce avec une de ses femmes : il ne voulait considérer la paix comme définitive que lorsque cette condition aurait été remplie. On s’épuisa à lui démontrer qu’elle était presque impossible dans un empire aussi vaste que celui des Romains, où un homme trouvait aisément moyen de se dérober aux recherches, que d’ailleurs il pouvait se faire que cet homme fût déjà mort. « Eh bien ! s’écria Baïan, jurez-moi du moins de ne le point cacher, et de me le livrer, mort ou vif, dès qu’il vous tombera sous la main. » Les Romains le jurèrent, et les Avars prirent possession de Sirmium.


II.

Le second empire des Huns était fondé, et il l’était dans des proportions d’étendue et de force que le premier n’aurait pas dédaignées. Il y eut là pour l’Europe tout entière, — soit civilisée, soit barbare, soit romaine, soit germanique ou slave, — un événement d’une grande importance. Tous les états, tous les peuples, durent compter avec le nouvel empire. Un intervalle d’un siècle et quart le séparait du premier : qu’était-ce qu’une pareille interruption pour de pareils souvenirs ? Encore l’intervalle avait-il été rempli par des guerres où le nom des Huns figurait. La tradition pouvait donc se relier aisément, naturellement aux faits présens, et c’est ce qui arriva : l’empire fondé par Baïan ne parut pas autre chose qu’une seconde époque de celui d’Attila. Les noms de Hunnie et d’Avarie furent employés indistinctement pour désigner le siège de la nouvelle domination, et même chez les peuples de l’Europe occidentale, moins au courant des différences de détail, le mot de Huns prévalut pour désigner les Avars : c’est ce qu’on peut voir dans la plupart des écrivains latins. Par suite de la même confusion, les premiers Huns devinrent des Avars, et la synonymie des deux noms fut complète dans le passé comme dans le présent. De là ces formules très bizarres au point de vue de l’exactitude historique, mais admissibles pourtant dans l’hypothèse où se plaçaient les contemporains : savoir qu’Attila