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l’étonnement de ses contemporains, admiré, fêté comme un prodige d’érudition, cité partout comme un puits de science, comme l’héritier direct de Pic de la Mirandole, capable comme lui de parler sur tout ce qu’on sait et sur quelques autres choses, il n’est pas content. Il connaît à fond l’histoire, la philosophie, l’archéologie, l’esthétique, tous les progrès de l’esprit humain depuis deux mille ans, et le flamand, et le hollandais ! Que faut-il de plus pour rendre un homme heureux, pour combler tous ses vœux ? Et pourtant M. Michiels accuse ses contemporains d’ignorance et d’ingratitude; il rêve la gloire d’Érostrate et cherche en vain le chemin qui mène au temple d’Éphèse.


GUSTAVE PLANCHE.


LES POPULATIONS OUVRIERES ET LES INDUSTRIES DE LA France DANS LE MOUVEMENT SOCIAL DU XIXe SIÈCLE, par M. A. Audiganne[1]. — Depuis 1815, l’industrie a pris un grand essor, et elle exerce aujourd’hui une influence prépondérante sur les destinées des états. Ce sera l’honneur du XIXe siècle d’avoir développé et amélioré les moyens de production, créé de nouvelles branches de travail et ouvert de larges horizons à l’activité humaine. La France peut revendiquer une grande part dans ce mouvement que la paix, l’abondance des capitaux, les découvertes des sciences et le progrès des arts ont imprimé au génie de tous les peuples. Elle a conquis à côté de l’Angleterre le rang de puissance industrielle de premier ordre. Elle fabrique les produits les plus variés, et elle les fabrique avec une perfection sans égale. Aussi n’y a-t-il point d’étude qui soit à la fois plus intéressante et plus attrayante que celle de l’industrie française. En même temps, et par une conséquence naturelle, l’attention s’arrête sur la nombreuse armée de travailleurs que l’industrie a enrôlée sous ses drapeaux. Cette armée couvre aujourd’hui en quelque sorte le sol de la France, et les ouvriers des manufactures, de même que les ouvriers des champs, occupent un rang à part, et un rang très considérable, dans notre organisation sociale.

M. Audiganne a entrepris de peindre le tableau si animé, si varié, que présentent nos populations industrielles. Les lecteurs de cette Revue ont pu déjà le suivre dans l’ensemble d’études qu’il leur a consacré; L’auteur a divisé la France en un certain nombre de groupes, et il a retracé les traits généraux comme les traits particuliers qui caractérisent chacune de ces régions. Quelle est actuellement la condition matérielle et morale des ouvriers ? Quelles sont leurs idées, leurs aspirations dans le grand mouvement social dont notre siècle est témoin ? Comment ont-ils traversé la dernière période révolutionnaire ? Enfin par quels moyens la société peut-elle, avec profit pour eux, avec honneur et profit pour elle-même, les maintenir sous la discipline salutaire du travail ? Tels sont les principaux points que M. Audiganne a successivement abordés, et dont l’étude, au temps où nous sommes, vient fort à propos.

Sans revenir sur des questions traitées ici même par l’auteur de ce livre, nous croyons devoir nous arrêter surtout aux nouvelles études par lesquelles M. Audiganne a complété son premier travail. Il y a ajouté notamment un exposé de l’industrie parisienne, ainsi que des observations générales dans

  1. Deux vol. in-12; Paris, chez Capelle, rue Soufflot, 16.