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pas était à faire, c’était de la soumettre à la surveillance, à la direction du gouvernement ou d’une autorité qui le représentât. Comme le gouvernement en Angleterre diffère peu du parlement, et qu’on ne voulait pas être accusé de chercher l’extension du pouvoir ministériel, on imagina de soumettre les affaires de l’Inde à un comité nommé pour quatre ans par le parlement, et dont les vacances seraient remplies par nomination royale. Le bill qui instituait ce comité en désignait le président, c’était le comte de Fitzwilliam, un des hommes du temps les plus respectés. Ces dispositions insolites, peu conformes aux doctrines de la responsabilité gouvernementale, furent dénoncées comme les violations flagrantes des droits de la couronne. Le bill était un travail très étendu et d’un grand mérite. On souleva contre une seule clause, avec une affectation hypocrite, tous les scrupules de l’orthodoxie constitutionnelle; on oublia que cet article remplaçait d’autres dispositions législatives qui désignaient nominativement certains fonctionnaires, et n’attribuaient rien au roi ni à son gouvernement. On ne voulut voir dans une mesure de bien public qu’une manœuvre pour perpétuer la domination du parti whig, comme si dans une vue d’influence les ministres n’auraient pas mieux fait de réserver le choix des commissaires à l’autorité royale, c’est-à-dire à eux-mêmes. Les hommes politiques du temps avaient fait trop de fautes pour qu’on leur supposât facilement des intentions désintéressées.

Que George III crût à une trahison, rien de plus simple. Cependant il approuva le bill, jusqu’à ce qu’il y reconnût un prétexte pour rompre sa chaîne, comme il l’avait promis à lord Temple. On possède encore une note secrète rédigée ou revue par ce dernier, et dans laquelle il trace au roi la marche convenable. « Le refus de sanction du bill de l’Inde serait, dit-il, une mesure extrême à laquelle on doit préférer le rejet par la chambre des lords. » pour obtenir ce rejet, un pouvoir fut remis à lord Temple, qui l’autorisait à dire que le roi tiendrait pour son ennemi quiconque voterait pour le bill. Le complot réussit; le bill fut rejeté par les pairs à huit voix de majorité. Tandis que les ministres faisaient appel à la chambre des communes, le roi donna à lord Temple les pouvoirs de secrétaire d’état, afin qu’il leur notifiât régulièrement leur congé. C’était la première fois depuis la reine Anne qu’un cabinet était ainsi destitué. Pitt était l’héritier désigné. La conspiration de la cour et de la Cité n’avait qu’en lui son espérance; il avait combattu le bill de l’Inde avec plus d’acharnement que de bonne foi; il concentrait en lui toutes les oppositions. Il forma donc le nouveau ministère, et il le composa faiblement; mais il en était le chef.

Fox était loin de se montrer abattu. Fort de l’appui de la chambre