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que, quels que soient les développemens ultérieurs que cette guerre puisse prendre, vous ne devez pas compter sur notre coopération ; nous ne serons pas avec vous. » Or, tandis que l’Autriche et la Prusse signifiaient ainsi leur refus de concours militaire à la Russie, elles nous prêtaient leur concours moral au sein de la conférence, où elles proclamaient et consacraient dans les protocoles les mêmes principes que nous, où elles condamnaient avec nous les prétentions russes comme attentatoires à l’indépendance et à l’intégrité de l’empire ottoman. A vrai dire, le mot de neutralité était un terme impropre pour caractériser cette phase où entrait la politique allemande, et cette phase nous était complètement favorable. Le roi de Prusse se rendait-il parfaitement compte de cette interprétation de la neutralité qui, à Vienne, était franchement avouée par les ministres de l’empereur François-Joseph ? Nous n’oserions l’affirmer. Un incident qu’il faut mentionner ici, car on en retrouvera plus tard les suites dans les affaires d’Allemagne, indiquerait que le roi Frédéric-Guillaume ne voulait pas aller aussi vite, sinon aussi loin que le cabinet de Vienne. L’Autriche, au mois d’octobre, avait pensé à porter sa déclaration de neutralité à la diète de Francfort en l’accompagnant de garanties puisées dans les assurances du cabinet de Pétersbourg relativement au maintien de l’intégrité de l’empire ottoman. C’était prendre possession d’un principe d’ordre au sein de la diète, c’était une occasion et un moyen d’engager la confédération germanique dans le développement naturel de la politique loyalement adoptée par l’Autriche. Les difficultés qui se sont plus tard élevées dans la confédération, et qui entravent encore l’action de l’Autriche, montrent la justesse de la pensée du cabinet de Vienne : on eût probablement gagné beaucoup de temps, si cette pensée avait été réalisé en 1853; mais elle avorta par l’opposition du gouvernement prussien M. de Manteuffel consulté avait paru accepter le projet de M. de Buol. Lorsqu’au mois d’octobre M. de Prokesch, ministre d’Autriche à Francfort et président de la diète, voulut, en passant à Berlin, combiner la déclaration de neutralité avec M. de Manteuffel, le ministre prussien refusa. Une des raisons données alors par M. de Manteuffel à l’appui de son refus mérite d’être signalée : il pensait qu’il y aurait plus d’un inconvénient à introduire dans la diète des questions qui ne la regardent pas, et auxquelles elle devait, suivant lui, rester étrangère. L’argument est curieux de la part du gouvernement que l’on a vu plus tard exciter les susceptibilités des états secondaires et diriger leur opposition contre la politique orientale de l’Autriche. La conduite du cabinet de Berlin en cette circonstance fut, si l’on en croit les Autrichiens, entachée d’ambiguïté; on s’est plaint dans le temps à Vienne que le ministre prussien se soit fait