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étaient les principes que nos escadres allaient protéger matériellement dans la Mer-Noire, et auxquels les puissances allemandes s’étaient moralement liées autant que nous dans la conférence. Si dans l’action il y avait maintenant entre elles et nous une différence, cette différence ne tenait qu’à des circonstances particulières et à des motifs accidentels. Sur le fond de la question, sur le point de départ, le caractère et la portée du conflit, il y avait au contraire entre elles et nous identité de principes et d’engagemens. Au moment où une différence accidentelle se produisait entre l’attitude des puissances maritimes et celle des puissances allemandes, il était donc important de fixer et de consacrer l’identité persistante des principes dans un acte solennel qui fût la récapitulation, le résumé, le couronnement des protocoles de Vienne. C’est ce que l’on se proposa dans un projet de convention dont nous avons parlé ailleurs<ref> Revue des Deux Mondes du 1er juin 1854. /ref> et dont les dispositions sont bien connues, car elles sont plus tard devenues le célèbre protocole du 9 avril. Ce projet de convention, concerté entre la France et l’Angleterre, fut communiqué vers le milieu de février à l’Autriche et à la Prusse. L’Autriche l’accueillit avec empressement, et demanda même à le renforcer. Nous allons voir le sort qu’il eut à Berlin.

Puisqu’un des principaux argumens du gouvernement prussien pour repousser les dernières propositions d’alliance de la Russie avait été justement la nature des engagemens qu’il avait contractés en s’unissant à la conférence de Vienne, il semblait tout simple qu’il s’associât à un acte qui confirmait ces engagemens sans y rien ajouter, et qui, avant que le canon ne fût tiré entre l’Occident et la Russie, présenterait, comme un avertissement suprême à l’empereur Nicolas, l’Europe unanime contre ses prétentions. L’adhésion de la Prusse eût donc été l’acte le plus naturel du monde. Chose étrange, ce projet de convention, qui paraissait la conséquence obligée de ses dernières résolutions, fut au contraire pour le gouvernement prussien le motif du plus brusque et du plus malheureux revirement.

D’abord le mot de convention effraya le roi. Une convention est un acte auquel les chefs des gouvernemens doivent apposer leur signature personnelle. Le roi de Prusse se croyait apparemment plus lié et plus compromis par sa signature que par celle de ses ministres agissant d’après ses instructions. « Ses dispositions, assurait-il, étaient toujours les mêmes. Son gouvernement marcherait dans le même sens que les autres puissances ; mais il ne voulait pas d’une pièce où il devrait apposer sa signature. » Il se trompa ensuite sur la portée de la convention. Il crut qu’on lui demandait, en sens