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Les chênes sont tombés sous un fer sacrilège,
Le même dont il frappe et les rois et les dieux.

C’est notre tour, à nous, de combler les abîmes!
Souillant sa chevelure aux fanges du torrent.
Le sapin qui trônait, voix des Alpes sublimes.
Croule avec les débris de tout ce qui fut grand.

Les sévères chansons avec nous sont bannies!
Hâte-toi, si ton cœur, disciple des hauts lieux,
Veut savourer encor les grandes harmonies
Dont la terre a nourri l’âme de tes aïeux!

FRANTZ.


Me voici! Du désert je ne veux plus descendre;
Plus de pacte avec les humains !
Mes pieds de leurs foyers ont secoué la cendre
Et la poudre de leurs chemins.

Les dieux, la liberté, seuls biens d’une âme forte.
Sont nés chez vous sur les sommets;
Ils y viennent mourir et je vous les rapporte :
La terre y renonce à jamais.

Chez vous, en plein soleil, sur ce lit de bruyère
Où nos amours avaient dormi.
Nous trouverons là-haut une mort libre et fière
Loin des yeux d’un monde ennemi.

Mais avant de tomber avec tout ce que j’aime.
Avant de brûler mon drapeau.
Je veux lancer encor un dernier anathème
Sur les hommes, ce vil troupeau !

LES TORRENS.


Prêtant ses fureurs à ta haine.
Le torrent se gonfle à ta voix;
Il court en grondant vers la plaine,
Par la cime où furent les bois.
Tremblez, humains, stupide engeance!
C’est nous qui sommes la vengeance
Des monts dépouillés jusqu’aux os.
Vos désirs qui lui font injure
Ont forcé la sainte nature
A déchaîner les grandes eaux.