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matériaux nécessaires à tout développement ultérieur. De cette seule différence résulte pour certains germes la possibilité de se séparer complètement de la mère; pour certains autres, la nécessité de vivre quelque temps à l’intérieur de celle-ci. L’œuf des ovipares à grand vitellus est pondu, c’est-à-dire expulsé, et souvent abandonné à toutes les influences extérieures, sans autre protection qu’une mince membrane ou une légère coque de nature inorganique. L’œuf des vivipares, resté tout entier vivant, se greffe dans le sein maternel comme une plante parasite, aspire des sucs nourriciers qu’il partage avec l’embryon, et grandit avec lui. Les phénomènes qu’il présente, tous commandés par la nécessité de nourrir le jeune animal, ne changent en rien sa nature, et au dernier moment l’identité reparaît. Pour entrer dans le monde, le mammifère, l’homme, ont à déchirer leurs enveloppes comme l’oiseau rompt sa coquille; la naissance est une véritable éclosion.

Or, dans certaines espèces, l’embryon, une fois complété et passé à l’état de fœtus, ressemble déjà à ses parens. Au moment de l’éclosion, il présente à peu près les formes générales qu’il gardera jusqu’à sa mort. Le mode d’accomplissement des principales fonctions est définitivement déterminé pour toujours. Si quelques organes sont encore peu développés, du moins tous existent, et aucun ne doit disparaître. Les changemens qui auront lieu chez l’animal après l’éclosion seront donc peu de chose et tiendront surtout à quelques variations de taille et de proportion. Tel est le cas de tous les vivipares[1] et d’un grand nombre d’ovipares. Chez eux, la nature semble avoir marché en ligne droite. Chaque modification imprimée au germe a rapproché le nouvel être de son type définitif.

Au contraire, dans d’autres espèces, toutes ovipares, l’animal qui sort de l’œuf s’éloigne presque à tous égards de ses père et mère. Il n’a ni leur forme, ni leur genre de vie. Souvent il est fait pour habiter un milieu différent. On lui trouve des appareils entiers qui n’existent pas chez ses parens : en revanche, ces derniers en possèdent d’autres qui manquent à leur fils. Pour revenir au type originel, celui-ci devra donc passer par des modifications profondes. Ici déjà la nature semble se plaire à allonger la route et n’arriver au but qu’après de longs détours; mais du moins cette route est simple, nettement tracée et sans aucun carrefour.

Les trois embranchemens inférieurs, — annelés, mollusques et zoophytes, — nous réservent des faits bien plus étranges, et dont

  1. Les marsupiaux (sarrigue. kanguroo, etc.) pourraient être cités comme une exception; mais ces vivipares à double gestation, éclos dans le sein de la mère et portés quelque temps dans la poche marsupiale, présentent au fond les mêmes phénomènes que les mammifères ordinaires.