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15 femmes, à quatre-vingts ans 4 hommes et 5 femmes. Enfin sur dix mille naissances masculines un seul individu parvient à cent ans, tandis qu’il y a deux femmes centenaires pour le même nombre de naissances[1]. Deparcieux a remarqué le premier que la période communément regardée comme critique pour les femmes, c’est-à-dire celle qui s’étend de quarante-cinq à cinquante-cinq ans, est même moins meurtrière pour elles que pour les hommes. Plusieurs ailleurs ont confirmé cette observation ; on voit pourtant que la différence entre le nombre des hommes et celui des femmes est très petite à soixante ans.

La précédente règle parait s’appliquer à l’Europe et probablement au monde entier. Partout le sexe le plus faible est aussi le plus vivace ; mais les hommes paraissent plus susceptibles d’atteindre aux âges extraordinaires, et l’on a cité peu d’exemples de femmes ayant approché d’un siècle et demi.

Un très utile enseignement ressort pour nous des faits que nous venons de réunir. L’ensemble de ces nombres exprime bien l’effet des causes troublantes qui tendent sans cesse à interrompre le cours de la vie, et l’empêchent presque toujours d’atteindre le terme assigné par la nature. La vie moyenne mesure exactement la déviation que subit la loi de notre durée : déviation énorme ! car elle est rendue par un nombre d’années à peine égal à celui que nécessite notre entier accroissement en hauteur et en grosseur. Cette durée, moyenne est de près de quarante ans en France, avons-nous dit, peut-être, un peu supérieure en Angleterre, mais à coup sûr notablement moindre dans d’autres pays. Nous ne pouvons pas déterminer avec précision le chiffre qui l’exprimerait pour l’ensemble de l’Europe, mais il tomberait probablement aujourd’hui entre 36 et 40, les nombres qu’a rassemblés il y a quinze ans M. Bernouilli devant nécessairement être tous un peu augmentés.

La statistique nous fait ainsi connaître toute l’étendue des dangers auxquels notre existence est exposée aux différens âges. Les chiffres étaient seuls capables de rendre ce résultat facilement appréciable. C’est en cela

  1. Quoiqu’il naisse en France 17 garçons pour 16 filles, l’inégalité ne tarde pas à se prononcer en sens inverse. À un an, ou trouve déjà sur mille naissances de chaque sexe 848 enfans femelles pour 823 enfans mâles ; à vingt ans, le nombre des hommes est de 624, celui des femmes de 652. D’après Demonferrand, la différence devient plus faible à soixante ans, où elle n’est plus que de 363 à 365, et à soixante-dix de 229 à 232 ; enfin elle disparaît presque à quatre-vingts ans, où elle est de 76 à 77, et elle est nulle à quatre-vingt-dix ans, où chaque sexe compte 8 représentans. Wargentin a trouvé qu’en Suède il meurt en hommes 1/10e ou 1/11e de plus qu’en femmes. Dans ce pays, la vie des femmes est beaucoup plus certaine que celle des hommes depuis vingt jusqu’à trente ans ; la différence est moins grande dans l’enfance et la vieillesse, et elle s’évanouit presqu’entièrement de trente, à trente-cinq ans. En Belgique, d’après M. Quetelet, les garçons sont plus nombreux au-dessous de seize ans : on en compte alors 373 contre 335 filles ; mais de seize à cinquante ans le nombre de celles-ci augmente dans le rapport de 482 à 462. Au-dessus de cinquante ans, on trouve 183 femmes pour 165 hommes, et sur 5 nonagénaires il y a 3 femmes. À Berlin, sur 1,000 personnes, les deux sexes présentent les rapports suivans : à un an, il y a 718 garçons pour 734 filles ; mais la différence ne tarde pas à devenir beaucoup plus grande. À soixante ans, on ne trouve plus que 178 hommes pour 217 femmes, à soixante-dix ans 93 hommes pour 130 femmes, à quatre-vingts ans 29 hommes pour 43 femmes, et à quatre-vingt-dix ans un seul homme pour 5 femmes.