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histologique entre les deux règnes. Au contraire les tissus à vie plus active, ceux qui caractérisent le mieux l’animal, nous semblent échapper à la loi du développement cellulaire et se former de toutes pièces au milieu du sarcode. Encore ne parlons-nous ici que des animaux les plus élevés, car, vers les limites inférieures des trois embranchemens invertébrés, on trouve un grand nombre d’espèces à tissus fort peu distincts, à organisme à demi sarcodique, et chez lesquelles la théorie cellulaire serait bien plus souvent en défaut.

Quoi qu’il en soit, tous les organes prennent naissance dans un blastème primitivement composé de sarcode, et se caractérisent peu à peu; mais alors même qu’ils sont déjà reconnaissables, ils ne diffèrent pas seulement par la taille de ce qu’ils seront plus tard. L’embryon n’est rien moins que la miniature de l’être définitif. Pendant longtemps le corps, dans son ensemble et ses détails, présente, à qui suit le développement d’un animal quelconque, et d’un mammifère en particulier, le spectacle le plus étrange. Tous les jours, d’heure en heure parfois, l’aspect de la scène change, et cette instabilité porte sur les parties les plus essentielles comme sur les plus accessoires. On dirait que la nature tâtonne et ne conduit son œuvre abonne fin qu’après s’être souvent trompée. Ici des cavités se cloisonnent, se divisent en chambres distinctes, ou bien s’étirent en canaux, et ceux-ci à leur tour se remplissent et deviennent des ligamens; là des masses d’abord pleines se creusent et se changent en cavités, des lames s’enroulent en tubes, des pièces primitivement isolées se soudent en organes continus, ou bien tout au contraire une masse d’abord unique se fractionne et engendre plusieurs organes. En même temps les rapports, les proportions changent à chaque instant. Des parties presque confondues au début s’écartent et deviennent entièrement étrangères l’une à l’autre; d’autres, d’abord éloignées, se rapprochent et contractent des relations intimes. Des organes à fonctions temporaires naissent, grandissent rapidement, acquièrent un volume énorme, puis s’atrophient et disparaissent; d’autres s’arrêtent à un moment donné, tandis que tout grandit au tour d’eux, restent en place, et se retrouvent jusque chez l’adulte, où ils n’ont d’autre rôle apparent que de témoigner d’un état de choses qui n’existe plus. En un mot, — des transformations incessantes, le mouvement partout, le repos nulle part, — voilà dans son expression la plus générale l’histoire du développement embryonnaire[1]

  1. On comprend qu’il m’eût été impossible, en parlant de ces transformations embryogéniques des mammifères, de sortir des généralités, nécessairement fort vagues, qui précèdent. Je ne pouvais guère davantage citer les auteurs à qui l’on doit les découvertes de tant de faits curieux. Leur nombre est aujourd’hui considérable, et les écrits, les ouvrages généraux sur cette matière se multiplient chaque jour. Je renverrai entre autres les lecteurs à ceux de MM. Baër, Barry, Bischoff, Burdach, Coste, Dumas, Duvernoy, Flourens, Hausmann, Henle, Huschke, Kœllicker, Lébert, Martin Saint-Ange, Meckel, Müller, Oken, Owen, Purkinje, Rathke, Reichert, Schultze, Serres, Schwann, Thomson, Valentin, Wagner, Weber, etc. M. Bischoff a résumé les recherches de tous ses émules et les siennes propres dans un ouvrage remarquable, et qui est devenu classique dès son apparition. Ce livre a été traduit en français sous le titre de Traité au développement de l’homme et des mammifères, Paris 1848.