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les situations politiques sans améliorer aucunement celle du premier ministre. Si le peuple de Paris fit tout d’abord quelques feux de joie en voyant frapper l’homme qui venait de réduire la capitale, il comprit vite que ce prince, si antipathique qu’il fût à la démocratie, lui appartiendrait du moins par ses haines, lien plus indissoluble entre les hommes que celui des idées. Le même retour vers M. le Prince s’opéra au sein du parlement, que Condé avait si souvent outragé par ses dédains, et dans l’enceinte duquel on le vit lever la main sur le conseiller Quatresous, qui osait le contredire.

Entraînée par le mouvement de l’opinion publique, alarmée de l’extension de la guerre civile, qui se ranimait dans les provinces, et que la noble épouse du héros captif poursuivait avec ardeur à Bordeaux, la magistrature rentra dans la lutte, mais enchaînée cette fois à la cause des grands, et sans aucun moyen de faire prévaloir les intérêts qu’elle seule représentait alors au sein de la nation. Indigné que Mazarin partit à la tête de l’armée royale pour soumettre la Guienne, et qu’il couvrit de son approbation les actes criminels du gouverneur de cette province, dans l’espérance longtemps poursuivie d’unir l’une de ses nièces au fils du duc d’Epernon ; ému, comme le sont toujours les assemblées, à la vue de la vieille princesse de Condé venant se réfugier dans son sein pour embrasser l’autel de la justice et de la loi, le parlement rendit un arrêt solennel pour réclamer de la reine la liberté des trois princes et l’éloignement immédiat du cardinal.

Mazarin n’avait donc retiré aucun fruit de l’acte sur lequel il avait compté pour intimider ses ennemis. Au lieu de les désarmer, il avait redoublé à la fois leur nombre et leur audace. Quelques-uns des chefs de la première fronde, ennemis personnels de Condé, avaient, il est vrai, au lendemain de l’événement, comblé en partie les vides laissés au Palais-Royal par tout le parti des princes, rentré dans ses gouvernemens et déjà en campagne : Gondy s’était rapproché de Mazarin pour conquérir cette barrette rouge, but principal des agitations d’une vie où la stérilité des idées sérieuses se dissimule sous une phraséologie admirable ; mais le coadjuteur n’avait pas tardé à démêler, à travers les chaleureuses protestations de l’Italien, la résolution arrêtée de ne point concourir à élever un homme auquel Mazarin faisait gratuitement l’honneur de croire qu’il avait la volonté réfléchie de devenir son rival. La duchesse de Chevreuse, qui trouvait bon que la faiblesse de sa fille lui rattachât un prêtre encore plus libertin que séditieux, avait aussi repris, depuis l’emprisonnement des princes, d’étroites liaisons avec la reine et avec son ministre ; mais Mme de Chevreuse n’était guère plus accoutumée à ne suivre qu’une seule intrigue qu’à n’avoir qu’un seul amant. Pendant