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pénétrantes, capables d’étonner l’antiquaire le plus savant, l’homme du goût le plus fin. Sur le Laocoon, sur le Méléagre, sur le torse mutilé de l’Hercule au repos, il avait à dire quelque chose de nouveau, qu’une étude attentive lui avait révélé, et jamais le désir d’exciter la surprise ne lui suggérait un paradoxe. Un jour nous parlions ensemble de l’Apollon du Belvédère, qu’on est habitué dans les académies à recommander comme le type de la beauté suprême, et je lui confessai ma préférence pour la Vénus de Milo. Fogelberg accueillit mon aveu sans surprise, et pour me confirmer dans ma conviction, qui était la sienne, entreprit de me démontrer que non-seulement l’Apollon du Belvédère n’était pas une œuvre de premier ordre, mais que la statue placée au Vatican n’était qu’une réplique en marbre d’une statue coulée en bronze. Les raisons qu’il me donna, tirées principalement du développement, de la minceur, de la ténuité de la draperie, me semblèrent excellentes, et après l’avoir écouté, je me sentis affermi dans ma préférence.

Lorsque je rencontrai Fogelberg, il était établi à Rome depuis vingt ans, et cette patrie adoptive lui donnait toutes les joies que peut rêver une intelligence élevée. Sa vie se partageait entre l’étude et l’invention, entre la contemplation du passé et l’accomplissement de ses projets. Après vingt ans d’une étude assidue, il ne croyait pas encore avoir épuisé les enseignemens que Rome lui offrait. Rien ne pouvait apaiser sa soif de savoir. Il avait rassemblé avec un soin religieux une collection de médailles qui fut achetée et payée généreusement par le roi Louis de Bavière. Je n’ai pas vu cette première collection ; mais j’ai vu, j’ai admiré à loisir la seconde collection formée par Fogelberg, ses lampes et ses terres cuites, qui plus tard furent acquises à son grand regret et presque malgré lui par un Anglais obstiné. Cette dernière collection jouissait en Italie d’une légitime renommée. L’Anglais se présente chez Fogelberg, et demande si elle est à vendre. Sur son refus, il insiste avec la vivacité d’un homme résolu à contenter son caprice, et notez qu’il n’avait jamais vu la collection qu’il voulait acheter. Fogelberg, espérant se débarrasser de cet antiquaire acharné, finit par lui demander un prix qu’il croyait fabuleux. Pour toute réponse, l’Anglais tire son carnet, et signe un bon sur Torlonia pour la somme demandée. Fogelberg se reprochait l’abandon de ses lampes et de ses terres cuites comme une lâcheté, et cependant ses travaux, quoique généreusement rémunérés, ne lui permettaient ni d’agrandir ni de conserver cette seconde collection. Pour se consoler de cette perte douloureuse, il entreprit la formation d’une collection nouvelle, d’une série nombreuse et choisie, de portraits historiques, de portraits gravés qu’il destinait à la bibliothèque de Stockholm, et que la Suède possède