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nier qu’il ne l’ait résolu. Personnel par l’idée, il est demeuré dans la forme fidèle aux souvenirs de l’art antique.

Une troisième et dernière épreuve lui restait à subir : l’épreuve de la statuaire historique. Après avoir lutté avec les données de la mythologie Scandinave, il avait à reproduire des personnages réels. Il fallait idéaliser les personnages sans renoncer à leur costume historique. Cette troisième et dernière épreuve, de l’aveu unanime de tous ceux qui ont suivi les travaux de Fogelberg, fut pour lui l’occasion d’un nouveau triomphe. En appliquant à l’histoire la méthode qu’il avait appliquée à la mythologie Scandinave, il accomplit victorieusement la tâche qui l’avait d’abord effrayé ; Sans négliger, sans omettre, sans altérer aucun détail de costume, il trouva moyen de donner à ses personnages une élégance, une grandeur, qui rappellent les traditions de l’antiquité. Il a cherché, il a trouvé la beauté poétique dans l’interprétation de la réalité.

N’avais-je pas raison d’affirmer que cette triple division nous montrerait clairement l’itinéraire suivi par l’intelligence de Fogelberg ? N’assistons-nous pas aux métamorphoses de sa pensée, à l’enhardissement progressif de sa volonté ? Il demeure, il se cantonne d’abord dans les régions pures de l’idéal consacré ; il modèle le nu ou ne jette sur le corps des dieux ou des héros qu’une draperie légère et transparente, qui laisse deviner la forme entière. Bientôt la reconnaissance de son pays l’oblige à déserter l’Olympe ; il lui faut renoncer aux lignes pures et harmonieuses divinisées par le ciseau de Phidias et de Praxitèle, mais du moins il est encore en présence des dieux. Si les types à modeler ne sont plus les mêmes, l’idéal s’offre à lui comme une condition nécessaire du sujet. Son intelligence n’est pas complètement dépaysée ; elle plane encore au-dessus de la terre. Convaincu désormais que la beauté peut servir de vêtement à toutes les pensées, que s’il y a des pays privilégiés qui la devinent plus vite et l’expriment plus puissamment, une fois révélée, elle appartient à tous les pays et s’applique à tous les sujets, Fogelberg abandonne les dieux pour les personnages purement humains. Dans cette troisième et dernière épreuve, il ne trahit pas la cause de l’idéal, car pour lui la forme sans la pensée, l’imitation littérale du modèle, n’est qu’une œuvre sans valeur et sans portée. Il transporte dans le domaine de l’histoire les habitudes intellectuelles de toute sa vie.

Parlons d’abord de l’Amour à la Coquille, création charmante, pleine de grâce et de malice. Tout le corps est modelé avec une rare finesse, et le visage du dieu exprime la raillerie. En vérité, j’ai peine à comprendre comment Fogelberg, en sortant de l’atelier de Bosio, a pu concevoir une telle figure, car il y a dans cet Amour à la Coquille une souplesse et une simplicité que Bosio n’a jamais connues :