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Quant aux réformes religieuses dont la Mission inférieure a pris l’initiative, le temps seul montrera si le protestantisme aura la force de se compléter en rivalisant de désintéressement et de zèle avec les œuvres de la charité catholique. Ces institutions toutes nouvelles, patronées ou développées par M. Wichern, ont excité déjà bien des défiances. Établir des maisons de sœurs de charité, organiser un ordre de diaconesses, n’est-ce pas revenir à ces couvens que maudissait Luther ? Malgré les précautions des novateurs, l’objection prévue a éclaté. Sans parler de Mme Agénor de Gasparin, qui est décidément le grand théologien biblique du XIXe siècle, et qui vient de jeter un cri d’alarme, plus d’un publiciste en Allemagne a signalé avec dépit ces ferveurs indiscrètes. Dieu me garde de croire que de telles attaques arrêteront la marche de M. Wichern ! Si ces innovations doivent réussir, elles ne triompheront pas sans luttes. C’est la loi de tout progrès, et l’orgueil protestant n’accordera pas sans résister les concessions qu’on lui demande.

En outre, il faut bien le dire, les moyens même qu’a employés M. Wichern pourront bien étendre et compliquer la bataille. Il a appelé le roman à son aide ; le roman prêtera aussi aux adversaires de la Mission le secours de ses libres tableaux et de sa dramatique ironie. En voici un déjà qui, sous une forme inoffensive, contient plus d’uni’ satire amère. La Diaconesse, de M. Charles Gutzkow, est un récit fort embrouillé, quoique très court, dont le seul but et le seul intérêt sont la peinture épisodique de l’un de ces cloîtres protestans. Une jeune fille, que maintes circonstances bizarres empêchent d’épouser son fiancé, se fait recevoir diaconesse, et se consacre au service des malades dans un hospice de la Mission intérieure. Je supprime la longue préparation de cette histoire, je supprime ces détails d’intérêts qui ressemblent au dossier d’un procès de succession, je n’indique même pas certains profits de négocians, d’hommes d’affaires et de médecins assez spirituellement dessinés ; encore une fois, toute la pensée du livre est dans le curieux épisode qui le termine. M. Gutzkow n’eût pas écrit son roman, s’il n’avait eu l’intention d’y placer une trentaine de pages destinées à peindre les ennuis, les désillusions et enfin le mariage de la diaconesse. Constance (c’est le nom de la jeune fille) est donc admise à l’institut de Friedenthal, qui est à la fois un hôpital et un séminaire de sœurs de charité. Elle y apprend la théorie et la pratique de ses bienfaisantes fonctions. Sœur Hledwige, la supérieure, enseigne aux diaconesses tout ce qui se rapporte au soin des maladies ; elle leur donne des notions de pharmacie et de médecine, l’anatomie même n’est pas oubliée. Si M. Gutzkow a voulu faire une satire de l’église protestante, il n’a que trop bien réussi. Au lieu des célestes parfums de la charité, on