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mesures d’application. De 1823 à 1827, Huskisson, de passage aux affaires, porta le premier devant le parlement des questions qui jusque-là n’avaient pas franchi les pages d’un livre. Le régime du royaume-uni était en contraste frappant avec les nouvelles idées économiques ; des privilèges exclusifs y régnaient de temps immémorial : privilège de navigation, privilège manufacturier, privilège agricole, privilège du sang pour les individus, privilège de nationalité pour les produits et le pavillon. Tous les intérêts, toutes les coutumes, tous les préjugés semblaient ligués pour une cause commune et confondus dans un seul esprit ; les vaincre était une rude entreprise, et pourtant Huskisson ne recula pas. Il s’attaqua d’abord au monopole de la navigation qu’il représenta comme un brevet expiré, en fit ressortir les dommages réels à côté d’avantages très douteux, et inaugura le système des traités de réciprocité, qui a précédé et préparé celui de la liberté absolue. D’autres réformes suivirent celles-là, notamment la réduction des droits sur les soieries, — des modifications essentielles à la charte de la compagnie des Indes, — enfin des adoucissemens temporaires à l’exclusion qui frappait les céréales venant du dehors ; mais ces mesures, arrachées à un parlement qui y répugnait, n’eurent point d’autres suites, et ce fut en vain qu’après la retraite et la mort d’Huskisson, sir Henry Parnell, économiste aussi et membre du cabinet du comte Grey, essaya de faire revivre les traditions de l’homme éminent qui avait été son maître et son ami. Le temps n’était plus aux conquêtes de l’ordre positif : l’économie politique rentrait dans son premier domaine, l’abstraction.

La seconde période ne date en réalité que de 1838 : ce fut alors que les idées de réforme, timides et circonspectes jusque-là, eurent la voix haute, passèrent des livres dans les clubs, du cabinet des savans dans les réunions populaires, et s’imposèrent au gouvernement, malgré la résistance des classes intéressées à les écarter. Les faits sont trop récens et ont eu trop d’éclat pour qu’il soit nécessaire de s’y appesantir. Qui ne se souvient de cette ligue contre les céréales, dont les débuts furent si humbles et les résultats si prodigieux ? À quelques vétérans de l’école libérale, comme le colonel Thompson et MM. Bowring et William Fox, vinrent se joindre de jeunes manufacturiers de Manchester, comme MM. Cobden et Bright, et, grâce à cet élément nouveau, on put ouvrir contre l’ennemi commun, le monopole, une campagne où rien ne manqua, ni le talent, ni l’audace, ni l’activité, pas même l’argent, ce nerf de la guerre. Il ne s’agit plus alors de définir, mais de réussir ; l’économie politique descendit de ses sphères abstraites pour se rendre accessible à tous, quitta les formes dogmatiques pour tenir un langage plus familier, réclama sa part dans la conduite des affaires du pays, et se la fit si