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du tir était complètement négligée dans l'infanterie. Le soldat brûlait tous les ans devant une cible un certain nombre de cartouches à balles; mais on ne lui donnait aucun principe, aucune règle : pour faire de son fusil l'emploi le plus décisif, 'le plus meurtrier, il était abandonné à son intelligence, à son adresse naturelles. En armant les chasseurs de carabines de précision, on avait compris que les leur confier sans leur apprendre à s'en servir, ce serait mettre un violon dans les mains d'un homme qui ne saurait pas la gamme. On créa donc une instruction de tir, mais on n'avait pu la déterminer que par un manuel provisoire et succinct. Il importait de l'améliorer, de veiller à ce qu'elle fût uniforme, à ce que les bons principes ne fussent pas altérés. A cet effet, on constitua à Vincennes une école normale de tir, où chaque année les divers. bataillons envoyaient un détachement destiné à leur fournir ensuite des instructeurs spéciaux. Les résultats obtenus ayant été très favorables, on étendit cette instruction à toute l'infanterie, et afin d'accélérer l'exécution de cette mesure, des écoles secondaires de tir furent établies temporairement à Grenoble et à Saint-Omer. Au bout de quelques années, tous les régimens furent pourvus d'un nombre suffisant d'instructeurs, et les exercices de tir, méthodiquement définis, placés sous la surveillance d'un officier-général, furent régulièrement pratiqués. Ceux qui ont vu par leurs yeux combien peu de soldats, non pas conscrits, mais ayant déjà plusieurs années de service, pouvaient faire passer un rayon visuel par trois points, ceux-là seuls peuvent se rendre compte de l'utilité de ces dispositions. Mais revenons à l'école normale de tir, car cette création avait encore eu un autre objet : elle devait fournir un champ d'expériences où tous les perfectionnemens que peuvent recevoir les petites armes seraient soigneusement examinés, où l'artillerie qui les fabrique et l'infanterie qui s'en sert seraient en contact permanent. Le succès, à ce point de vue, ne fut pas moins complet, et l'honneur en revient surtout à deux officiers attachés à cette école, l'un plus savant, l'autre plus pratique, mais tous deux doués de remarquables facultés : MM. Tamisier, capitaine d'artillerie, et Minié, capitaine d'infanterie.

Profitant d'une idée heureuse, émise par le colonel Thouvenin, pour faciliter le forcement de la balle, donnant au projectile une forme allongée, déjà proposée plusieurs fois, et qui permettait d'obtenir avec de faibles charges une portée plus grande, mais qu'on avait toujours abandonnée à cause de l'incertitude de son tir, ces deux officiers parvinrent à déterminer, par l'union de leurs recherches et de leurs efforts, la profondeur et l'inclinaison qu'il convenait de donner aux rayures en hélices, et à corriger l'incertitude du tir des balles oblongues ou cylindre-coniques par une disposition ingénieuse qui exerce sur la course de ce projectile le même effet que les