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abrités, l’instant de la métamorphose. Ils perdent alors leurs appareils transitoires, et, revêtant les caractères définitifs de l’espèce, tantôt s’élèvent de quelques crans dans l’échelle zoologique, tantôt descendent à un degré- inférieur à celui qu’ils avaient atteint. Le premier cas est celui des anodontes, le second est celui des huîtres, et bien plus encore des tarets. Ceux-ci, à l’état de larve, étaient les plus complets de ces- trois mollusques. Parvenus à l’état adulte, ils sont de beaucoup les plus dégradas. Ainsi, sans sortir de cette classe des acéphales, nous voyons la métamorphose se montrer presque à tous les degrés, et déterminer tantôt un développement ascensionnel qui rappelle ce qui se passe chez les insectes, tantôt un développement récurrent analogue à celui que nous ont montré les cirrhipèdes et les lernées.


VI. — NATURE, CAUSES ET PROCÉDÉS DE LA METAMORPHOSE. — CONCLUSION.

L’idée générale qu’on s’est formée de. la métamorphose a nécessairement varié avec les doctrines philosophiques dominantes. Quelques-uns des faits que nous avons indiqués furent invoqués à l’appui de la croyance aux générations spontanées, et nous reviendrons plus tard sur cette question. Lorsque par une réaction facile à comprendre la doctrine de l’évolution se fut produite et régna presque sans partage, grâce à la supériorité des hommes qui la défendaient, ces mêmes faits et grand nombre d’autres servirent à l’étayer[1]. Pour Réaumur, par exemple, il n’existe aucune véritable production; il n’y a que des développemens. Une plante, un animal, qui nous semblent nouvellement formés, existaient depuis l’origine des choses; ils apparaissent dès que les circonstances leur permettent de s’étendre, de croître jusqu’à la portée de nos sens. Ce qui est vrai de l’être entier l’est aussi de toutes ses parties; par conséquent, les métamorphoses d’un insecte ne sont qu’apparentes. Le papillon qui voltige existe depuis la création du monde avec toutes ses parties, ailes, trompes, pattes, poils et écailles. La chrysalide, la chenille elle-même le renfermaient déjà, et n’étaient, comme l’avait dit Harvey, que de véritables œufs emboîtés l’un dans l’autre: œufs fort étranges, il est vrai, qui ont des membres, une bouche, un appareil digestif destinés à transporter, à défendre, à nourrir le véritable animal; œufs qui mâchent, broient et digèrent les alimens comme la mère prépare ceux qui parviennent au fœtus. Ainsi protégé et nourri par la machine animale qui l’enveloppe, le papillon n’a pas d’enfance extérieure; au moment venu, il rejette ce vêtement organisé

  1. Voyez, sur les doctrines des évolutionistes, la Revue du 15 mars 1850.