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autres chefs de sa nation, régna dans Rome. Une antique statue de ce roi s’élevait près de la Curie. Le passage de Pline qui cite un article du traité de Porsenna avec les Romains, par lequel il leur interdit l’usage du fer, excepté pour les instrumens d’agriculture, ce passage célèbre est foudroyant pour l’orgueil romain et pour Tite-Live. On ne fait pas de ces traités-là quand on reste de l’autre côté du Tibre à admirer le courage d’Horatius Coclès et de délie, et qu’on se retire vaincu par la magnanimité de Scévola. Du reste, ce fait nous étonnera moins, nous qui avons vu à quel point la domination étrusque était établie, nous pour qui Porsenna serait le cinquième roi étrusque de Rome. Il y a plus, on voit parfaitement que dans Rome même le parti étrusque se maintint quelque temps après l’expulsion des Tarquins. Il fallait que ce parti fût encore puissant pour trouver des complices et des conspirateurs dans les fils du consul. À un moment de la guerre contre Tarquin, Tite-Live dit qu’il y a quelque confusion dans l’histoire, et que d’après des récits qu’il n’admet ni ne rejette, certains consuls étaient de la faction tarquinienne. En cette occasion, on élit pour la première fois un dictateur, et ce dictateur se nomme T. Lartius, nom qui semble étrusque[1].

Tous les Étrusques qui s’étaient établis à Rome peut-être depuis le temps de Romulus, mais certainement depuis le règne du premier Tarquin, n’en étaient pas sortis. Ils occupaient une rue ou plutôt un quartier de la ville, le quartier toscan, le viens Tuscus, qui s’étendait du Forum à travers le Vélabre jusqu’au pied de l’Aventin, sur une étendue de quatre stades (plus d’un quart de lieue). Ils y avaient un temple consacré à leur dieu national Vertumus, comme les Juifs ont leur synagogue à Livourne ou à Amsterdam. Tacite explique très bien l’origine de cette population étrusque qu’il reconnaît avoir été fort considérable.

Le mont Cœlius, dit-il, ayant été donné aux Étrusques (c’est-à-dire conquis par eux sous Mastarna et Cœle Vibenna), une grande multitude de ce peuple (magnas copias) habita aussi la plaine dans le voisinage du Forum. Tite-Live rend compte de leur présence à Rome par une histoire bien peu vraisemblable. Selon lui, un fils de Tarquin avait fait une expédition malheureuse contre les habitans d’Aricie. Un petit nombre d’Étrusques ayant échappé au carnage se présentent à Rome désarmés et supplians ; on les reçoit à merveille, on panse leurs blessures, l’hospitalité des Romains les enchaîne, et beaucoup se fixent dans le lieu qu’on appela ensuite vicus Tuscus, rue ou quartier des Toscans.

Ce récit est assez extraordinaire : nous verrons tout à l’heure

  1. Larth, seigneur en étrusque. Un roi des Véiens s’appelait Lartius Volumnius.