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l’Italie au moyen âge, et on la remarque encore aujourd’hui dans plusieurs de ces villes, notamment en Toscane; quelquefois même on y voit la tribune aux harangues, ringhiera, d’où l’on parlait au peuple assemblé dans le marché. A Rome, le Forum était aussi à la fois la place publique et le marché. Dans l’histoire de Virginie, la place publique et le marché figurent également, et l’étal du boucher sur lequel Virginius trouva le couteau avec lequel il immola sa fille est à jamais lié dans nos souvenirs à ces orageuses et tragiques scènes du Forum romain. On croit même savoir où étaient les boutiques neuves devant lesquelles Virginie expira, peut-être à quelques pas de l’école où elle venait étudier chaque jour, et de ses jeunes compagnes. C’était à l’angle sud-ouest du Forum, près des trois colonnes qui en sont la plus belle décoration de ruines, et, par une rencontre singulière, non loin du lieu où s’élève aujourd’hui l’église de Sainte-Marie-Libératrice; mais je me reproche ces minutieux détails et ces rapprochemens plus ou moins ingénieux : au Forum, en présence de la mort de Virginie, il n’est permis de songer qu’à un père sauvant sa fille de l’infamie par la mort, à la juste punition de la tyrannie et à la conquête de la liberté.

Deux choses remplissent le premier âge de la république romaine. Les patriciens et les plébéiens sont perpétuellement en lutte, plusieurs scènes de cette lutte ont passé devant nos yeux : au Forum, sur l’Aventin, ou sur le Mont-Sacré. En second lieu, — et il nous reste à faire comprendre leur nature par la configuration du pays, — des guerres sans cesse renaissantes arment les Romains contre leurs voisins. Voisins est bien le mot, car pendant longtemps Rome a dépensé une activité, une patience, une résolution incomparables dans un rayon de quelques lieues. A tout instant les Romains sont serrés de près par les petits peuples très belliqueux qui les entourent. Le même jour vit livrer deux combats à deux de leurs portes[1]. Des Véiens s’emparent du Janicule et même passent le Tibre. Une certaine nuit, les Sabins, comme au temps de Tatius, prennent par surprise le Capitole et la citadelle. Les expéditions des Romains sont dans la Sabine, dans le pays des Æques, des Berniques et des Volsques; les plus lointaines ne dépassent guère quinze lieues. Le théâtre de la guerre, c’est à peu près le champ qu’exploitent les paysagistes domiciliés à Rome dans leurs courses de l’été.

Sur cet étroit théâtre, il faut toujours combattre, se porter sans cesse d’un point à un autre, prendre et reprendre cent fois une bicoque ou une position dans la montagne. Chaque défilé, chaque

  1. L’un près du temple de l’Espérance (porte Majeure), l’autre près de la porte Colline, dans la Via Pia, au coin de la rue qui conduit de là à la porte Salara.