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bâti par Abraham et par son fils Ismaël, dont Mahomet prétendait descendre et dont la Bible dit : « Ismaël sera un homme farouche, sa main sera contre tous et la main de tous sera contre lui, et il plantera ses tentes à l’encontre de tous ses frères. » On ne pouvait certainement mieux dépeindre les Arabes de l’Hedjaz, dont Ismaël est le père.

Longtemps avant Mahomet, les idolâtres venaient déjà à La Mecque et y faisaient sept fois le tour de la kaba en commémoration de son origine. Le prophète, en prescrivant au nom de Dieu cet acte de dévotion, n’a donc fait que consacrer un usage des anciens temps. Or Dieu parle ainsi dans le Coran : « Nous avons choisi la maison sainte pour être la retraite et l’asile des hommes, et nous avons dit : Prenez la maison d’Abraham pour oratoire. Nous avions d’ailleurs fait à Abraham et à Ismaël la recommandation de conserver pure cette maison pour ceux qui viendront en faire le tour, pour ceux qui viendront y prier, debout, agenouillés ou prosternés. »

Après la kaba vient comme lieu de vénération le mont Arafat, qui s’élève aux environs de la ville sainte : c’est le mont Thabor de l’islamisme, car l’islamisme, empruntant assez volontiers les miracles des autres cultes, a voulu, lui aussi, avoir sa transfiguration. Au dire des musulmans, leur prophète s’étant un jour retiré sur le mont Arafat pour s’y livrer à la prière, son visage s’illumina et devint tout rayonnant. Une autre raison recommande à la dévotion des fidèles cette même montagne d’Arafat : selon une tradition dont je ne voudrais pas garantir l’authenticité, c’est là qu’Adam et Eve, après avoir été bannis du paradis terrestre et être demeurés séparés pendant cent vingt ans pour faire pénitence de leur péché, finirent par se rencontrer.

A côté de ces deux principaux buts de dévotion, il s’en trouve d’autres, mais qui ne sont que secondaires, et je craindrais de m’écarter de mon sujet, si je m’attachais à détailler les mérites qu’on acquiert en les visitant. Dieu, selon le Coran, a donc voulu que la maison d’Abraham fût pure, et il faut entendre par là pure de tout culte idolâtre. Des lieux de prière existent pour ceux qui veulent se sanctifier, et de plus cette sanctification est obligatoire. Le Coran prescrit comme étant d’injonction divine la visite des lieux saints de l’islamisme. Dieu a dit selon le prophète : « Annonce aux peuples le pèlerinage à la maison sainte ; qu’ils y arrivent à pied ou montés sur des chameaux rapides ! » puis autre part : « Faire le pèlerinage est un devoir envers Dieu pour quiconque est en état de le faire. »

Rien assurément de plus simple, de plus précis que cette prescription, dont le sens rigoureux est que tout musulman, à moins d’obstacles dirimans, doit s’y conformer. Tel a été en effet l’avis d’un