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passe et le chenal qui font communiquer le canal avec le port ; 3° en une écluse de chasse destinée à nettoyer la passe.

Ces ouvrages ne présentent rien d’extraordinaire. Ils sont loin d’approcher, comme difficultés et comme dépenses, de beaucoup de travaux du même genre exécutés dans plusieurs ports d’Europe. Le fond est excellent, la profondeur suffisante ; l’agitation de la mer n’a rien d’excessif, les courans sont insignifians ; enfin il n’existe dans le golfe aucune embouchure dont les alluvions soient à redouter. Dans ces conditions, la possibilité de maintenir la passe et d’établir un bon port ne saurait être douteuse.

Il s’en faut de beaucoup qu’on en puisse dire autant de la baie de Tineh. Ici, en effet, l’influence des alluvions du Nil rend à peu près impossibles le maintien d’une passe et l’exécution d’un port ou même d’une rade abritée. M. Lepère, dans le paragraphe 4 du chapitre 3 de son mémoire, que j’ai cité plus haut, et M. Linant, dans son projet de canal direct, ont admis tous les deux qu’avec une différence supposée de niveau de 9 mètres entre les deux mers, le courant qui existe à l’embouchure du canal serait suffisant pour creuser la passe et la maintenir. Il me paraît utile d’examiner ici jusqu’à quel point on pourrait, dans l’hypothèse adoptée par ces ingénieurs comme point de départ, espérer ce résultat.

Les sondages, pratiqués avec autant de soin que d’exactitude par la brigade allemande, démontrent que la profondeur de 7m50 se rencontre seulement à 6 kilomètres du rivage, et que la profondeur de 9 à 10 mètres, nécessaire pour donner passage, en tout état de la mer, aux navires de 7 mètres de tirant d’eau, ne se trouve qu’à une distance d’au moins 8 kilomètres, d’où il résulte que, pour fournir au canal une embouchure praticable, il serait indispensable d’étendre jusqu’à 8 kilomètres de la plage les deux jetées entre lesquelles le chenal doit nécessairement être contenu. La largeur de ce chenal ne saurait, vu sa destination, être moindre de 80 mètres. Si on admet 50 mètres pour la largeur au plafond du canal des deux mers, il est facile d’apprécier qu’avec la pente de 9 mètres la vitesse y serait d’environ 1m10, et le débit de 580 mètres cubes par seconde. Cette vitesse de 1m10 serait réduite à peu près à moitié dans le chenal ; on pourrait néanmoins, en rapprochant les extrémités des jetées à 50 mètres l’une de l’autre, la rétablir à la passe. Je doute beaucoup qu’on parvînt, même dans ce cas, à maintenir une passe d’une profondeur suffisante ; mais avec la pente réellement disponible qui, comme nous l’avons vu, ne peut fournir qu’une vitesse de 11 centimètres par seconde et un débit de 105 mètres cubes, on ne peut attendre aucun effet du courant alimenté par le canal. D’un autre côté, on ne peut espérer de maintenir par des dragages un chenal de 8 kilomètres de longueur dans un fond aussi mobile. Il