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III.

On doit le plus grand éloge à l’habileté avec laquelle toutes les mesures furent prises dans cette occasion. Que de fois n’a-t-on pas vu les entreprises les mieux combinées à la guerre échouer par du désordre ou faute de quelques précautions oubliées ! Ici les conditions du succès furent réunies, on peut dire avec luxe, royalement en quelque sorte. Une troupe d’infanterie considérable, ayant pour avant-garde l’élite de la maison du roi, les grenadiers à cheval et les mousquetaires, ces jeunes héros déjà illustrés par tant de victoires, — telle fut la composition de la colonne d’assaut. Elle était digne de l’entreprise, et les préparatifs étaient à la hauteur des résultats.

La huitième garde, celle du jour de l’assaut, fut montée par M. le duc de Luxembourg, M. le marquis de La Trousse, lieutenant-général, M. le comte de Saint-Géran, maréchal de camp, et M. le prieur de Vendôme, aide de camp du roi. Les troupes qui montèrent la tranchée avec eux furent trois bataillons des gardes françaises, commandés par M. de Rubantel. M. de Magalotti voulut s’y trouver en qualité de lieutenant-colonel des gardes; ce n’était pas son tour comme lieutenant-général de jour[1]. MM. les marquis de Bourlemont et de La Pierre firent de même et commandèrent les bataillons détachés de Picardie et de Soissons, leurs régimens. Les deux détachemens des mousquetaires gris et noirs marchèrent sous les ordres de M. le chevalier de Fourbin et de M. le marquis de Jonvelle; comme officiers-généraux qui n’étaient pas de jour, ceux-ci pouvaient s’en dispenser[2]. Je crois utile de faire remarquer, — à propos de cet usage de combattre en volontaire hors de son tour qui se pratiquait alors, et valait, à ce qu’il paraît, aux officiers zélés les éloges des gazettes, — que rien de pareil ne peut plus avoir lieu aujourd’hui dans notre armée. Le droit de marcher y est sévèrement réglé et limité par un ordre de tour parfaitement connu d’avance. Chacun y remplit son devoir à son poste, et ne permettrait pas qu’un camarade vînt lui ravir ou même partager avec lui l’honneur d’un service pour lequel le nouveau-venu ne serait pas commandé.

Les troupes qui, à côté de la maison du roi et des mousquetaires[3],

  1. Il avait été de tranchée le 9 comme lieutenant-général.
  2. Ils avaient monté le 12 et le 14 comme brigadiers d’infanterie.
  3. Les mousquetaires s’étaient infiniment distingués dans les sièges, surtout depuis la campagne de 1672. Ils étaient devenus la terreur de l’ennemi dans ces occasions, et rien ne fut plus admirable que la manière dont ils emportèrent Valenciennes en 1677. Leur valeur personnelle et la prudence de leurs officiers les rendaient également recommandables dans ces sortes de rencontres. Le roi était capitaine des deux compagnies, composées chacune de deux cents cinquante maîtres (elles étaient depuis longtemps sur le même pied). Les mousquetaires de garde avaient bouche à la cour, les deux compagnies se relevaient tour à tour comme les régimens des gardes françaises et suisses. Ils combattaient comme les dragons, mais en général, dans les batailles, ils ont combattu à cheval et en escadrons. Cependant à la journée de Cassel ils servirent à pied au commencement de l’affaire, puis remontèrent à cheval. La première compagnie fut fondée en 1622, c’étaient les anciens carabins. Le premier capitaine fut M. de Monlalet, le deuxième un gentilhomme du même nom, le troisième M. de Tréville. Ensuite vinrent le duc de Nevers, neveu de Mazarin, puis d’Artagnan, tué au siège de Maëstricht et remplacé par le bailly de Fourbin, qui commanda la première compagnie des mousquetaires gris au siège de Valenciennes. La deuxième compagnie ne fut constituée qu’en 1682, pour aller en Lorraine à l’expédition de Marsal, qui fut pris par le maréchal de La Ferté.