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roman, du théâtre, de la poésie. Une de ces œuvres de l’imagination sensée et de l’observation ingénieuse et pénétrante était représentée, il y a peu de jours, au Théâtre-Français, sous le titre piquant de Péril en la Demeure. L’auteur, M. Octave Feuillet, est accoutumé à jouer avec les titres et les sujets. Une mère qui se fait la confidente des amours de son fils pour le sauver, bien entendu ; une jeune femme qui en est a effeuiller cette fleur de marguerite pour savoir si elle doit aimer, ou si elle n’aimera pas son mari trop occupé d’affaires diplomatiques pour s’occuper de son ménage, et qui voyage au Pérou pendant que l’amour entre dans sa maison, c’est avec ces élémens que M. Feuillet a disposé une série de scènes spirituelles et vives, où heureusement, comme toujours, il n’y a que le péril sans le mal. L’auteur met toute sa bonne grâce et sa verve a conduire ces expériences jusqu’à la dernière limite, sans brouiller la morale et l’esprit, l’imagination et le bon sens. Tout s’accorde et marche au dénomment en laissant le public charmé.

Mais revenons à la politique. La Belgique, comme on sait, a eu récemment une crise ministérielle, et un nouveau cabinet s’est formé. Ce cabinet avait à subir l’épreuve parlementaire, et il vient de se présenter aux chambres dès qu’elles ont été rouvertes. |’Exposé lu par M. Dedecker résume la pensée du nouveau ministère, pensée de conciliation entre les partis. Néanmoins dès le premier jour il y a eu un incident qui dénote que le cabinet aura sans doute à se défendre contre une certaine opposition. Le président de la chambre des représentans, M. Delfosse, se fondant sur ce qu’il ne pouvait partager les vues du gouvernement nouveau, et qu’à ses yeux le président de la chambre devait être de la couleur politique du cabinet, M. Delfosse a donné sa démission. Il n’en a pas moins été réélu une première fois, et ce n’est qu’après un refus réitéré de reprendre la présidence que M. Delahaye, l’un des amis politiques du ministère, a été élu.

Cette épreuve d’une crise ministérielle par laquelle la Belgique passait il y a quelques jours, le Piémont la subit à son tour. Le cabinet dont M. le comte de Cavour était le président vient de donner sa démission, et c’est cette terrible loi sur la suppression des corporations ecclésiastiques qui a amené cette péripétie. La loi sur la suppression des couvens a été facilement adoptée par la chambre des députés ; mais il s’en faut que l’adoption en fût aussi aisée dans le sénat. La meilleure preuve en est que, parmi cinq membres qui composaient la commission nommée pour élaborer le projet du gouvernement, il s’est formé trois avis différens, c’est-à-dire trois systèmes dont l’un était le rejet de la loi. La discussion suivait cependant son cours lorsqu’un fait nouveau s’est produit. L’évêque de Casal est venu offrir, au nom de l’épiscopat piémontais, une somme de 900,000 francs pour dégrever l’état des frais du culte, qui avaient été jusqu’à ce jour à sa charge. Le président du conseil a demandé le temps d’examiner cette proposition. Le conseil n’a pu s’entendre sur ce qu’il y avait à faire, et le cabinet s’est retiré. C’est cependant l’un de ses membres, le ministre de la guerre, le général Durando, qui a été chargé de former un nouveau cabinet, dont la pensée politique ne différera point sans doute essentiellement de celle du cabinet qui vient de se retirer. ch. de mazade.