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monde de sa position moyenne. Suivant la belle expression de Claudien, Laplace avait absous la Divinité :

Absolvitque deos…

Ce serait une tâche curieuse que de faire connaître ces brillantes et importantes déductions de l’analyse transcendante, qui, entre les mains des héritiers de Newton et de Laplace, et notamment dans celles de M. Le Verrier, ont conduit à des résultats si inattendus pour le présent, le passé et l’avenir du monde solaire. Quelque admirables qu’ils soient cependant par la puissance de l’analyse, les travaux de Laplace s’offriront à nous aujourd’hui sous un autre aspect, et nous aideront à suivre les développemens principaux de va science du globe dans le triple domaine de la cosmographie, de la géologie, et particulièrement des recherches cosmogoniques.

Laplace fait justement remarquer que l’astronome, qui dans ses formules embrasse l’ensemble des mouvemens célestes, peut en ce sens prédire l’avenir, puisqu’ayant le secret de ces mouvemens il peut annoncer quelles seront dans les âges futurs les positions des astres. Le passé, pour l’espèce humaine, est à peu près aussi obscur que l’avenir, car chacun sait combien faible est la certitude, de l’histoire, cette mémoire du genre humain, aussi peu infaillible que la mémoire des individus. Les formules de l’astronomie mathématique nous disent quel était il y a plusieurs siècles l’état du ciel, comme elles nous disent ce qu’il sera dans les siècles à venir, et quand une éclipse ou un autre phénomène céleste correspond à un fait historique, on sait avec précision dans quelle année, dans quel mois et à quel jour il faut placer l’événement désigné par cette chronologie.astronomique.

Ce n’est pas seulement toutefois aux événemens historiques que la curiosité ambitieuse de l’esprit humain vient s’attaquer, et l’état actuel du globe, avec les traces qu’y ont laissées les catastrophes diverses qu’il a subies, semble provoquer la recherche des causes qui ont amené successivement les divers dépôts et stratifications qui composent le sol que nous foulons aux pieds. Là, les dépôts de la mer et ses productions végétales et animales alternent avec les depuis formés à découvert sous l’air et le ciel. Chaque couche fluviale ou marine est une immense catacombe des êtres existans à une époque ancienne, et d’après la lenteur de formation de ces couches successives on juge pendant combien de millions de siècles la nature a été en travail producteur pour arriver à l’état actuel avec l’homme, qui sur la terre ne date que d’un petit nombre de milliers d’années, et qu’à la lettre on peut dire n’exister que d’hier. Il s’agit donc de reconstituer les âges passés de la terre et sa population d’êtres vivans à chaque