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Avant de faire des planètes avec les atmosphères des soleils, faisons les soleils eux-mêmes. Tout le monde sait que notre soleil est l’un des individus d’une innombrable multitude d’astres pareils qui trace dans le ciel la bande étoilée, très irrégulière, qui constitue ce qu’on appelle la voie lactée. Le télescope nous révèle de plus dans le ciel bien des centaines d’agglomérations pareilles qui, à cause de leur prodigieuse distance, paraissent d’une petite étendue, comme serait la moitié ou le quart de l’espace que la lune occupe sur la sphère céleste. Néanmoins les puissans télescopes d’Herschel permettaient d’apercevoir que chacun de ces petits nuages blancs était un composé d’étoiles. On les y voyait comme des grains brillans de sable et de poussière,

Ὅσα ψάμαθός τε ϰόνις τε, (Hosa psamathos te konis te,)

suivant l’expression d’Homère pour désigner des objets en nombre infini. L’analogie voulait que d’autres petites nébulosités que le télescope ne pouvait séparer en étoiles distinctes fussent considérées comme des amas d’étoiles trop éloignées pour que la vue pût les distinguer. C’est ainsi que les réverbères de la splendide illumination journalière de l’avenue des Champs-Élysées de Paris, se distinguent les uns des autres jusqu’à une certaine distance du promeneur ; plus loin ils se rapprochent tellement en perspective, qu’il est impossible de les distinguer à œil nu ; une lorgnette de spectacle permet de les séparer un peu plus loin encore, mais ils finissent par se confondre en vertu de la distance. Qui croirait que cette analogie ne frappa pas l’esprit, que dis-je, le sens commun d’Herschel !! Les nébuleuses que son admirable instrument ne résolvait pas en étoiles isolées, furent considérées par lui comme des masses d’une matière continue qu’il appela matière nébuleuse, ainsi qu’on désignerait le petit nuage blanc que donne un grain de phosphore qui brûle, ou bien le premier gaz que dégage une allumette chimique. Et de ces nébulosités, contre toute analogie, il fit des étoiles ! Suivant lui, une nébulosité, en se condensant, donne naissance à un soleil. Chose plus étonnante, le sévère auteur du Système du monde, cette incarnation de l’esprit mathématique, adopte de confiance cette bizarre idée. Il voit dans les nébuleuses plus ou moins arrondies des étoiles en voie de formation, c’est-à-dire de concentration, oubliant qu’à l’épouvantable distance où sont ces masses brillantes il faudrait, pour fournir à la matière d’une de ces nébuleuses, bien des milliers de soleils, quelque légère que l’on supposât la matière de ces corps célestes. Ajoutez que ces nébuleuses qu’on croyait irréductibles en étoiles n’étaient pas les plus faibles du ciel. La fameuse nébuleuse d’Andromède se