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« Tout nous démontre que la nature a constamment travaillé à doter de bons matériaux le cheval de nos possessions du nord de l’Afrique. Personne n’ignore qu’il fut autrefois ce fameux coursier numide qui jouissait d’une si grande réputation, et dont il est tant parlé dans presque tous les auteurs de l’époque romaine. Il devait exister bien avant que les Romains eussent appris à le connaître, puisque Strabon porte à cent mille le nombre des poulains qui naissaient chaque année dans la Numidie… C’est cette richesse et cet équilibre qui donnent à nos chevaux en général la faculté de faire des courses longues et pénibles, de résister aux intempéries atmosphériques et à de nombreuses privations ; c’est cette richesse et cet équilibre qui viennent de démontrer en Orient que, pour la guerre et pour toutes les fatigues qui s’y rattachent, la race chevaline de l’Algérie est supérieure aux races anglaise et française ; c’est cette richesse et cet équilibre qui ont fait parcourir dans les courses de fond 16,700 mètres en vingt-six minutes au cheval de Bel-Kassem-ben-Yahia, du cercle d’Aumale, 25,000 mètres en quarante-cinq minutes et trente secondes au cheval de Mohamed-ben-Farhât, du cercle de Teniet-el- Had, et 25,750 mètres en cinquante-neuf minutes et seize secondes à la jument d’Abd-el-Kader-ben-Tayeh, du cercle de Boghar ; c’est encore cette richesse de matériaux qui a produit des coureurs faisant un tour d’hippodrome (1,500 mètres) en une minute et quarante-cinq secondes, ce qui met la vitesse à raison de quatre tierces et un cinquième par mètre, lorsque sur l’hippodrome de Paris les plus grandes vitesses d’un tour (2,000 mètres) sont à raison de quatre tierces et un dixième par mètre. Il n’y a donc à l’avantage de la capitale qu’un parcours de 500 mètres en plus, et dans la vitesse qu’une différence d’une seconde par 600 mètres. Tout cela est quelque chose sans doute ; mais si l’on considère que, d’un côté, l’entraînement, l’alimentation, le harnachement, le savoir des jockeys, un poids qui ne dépasse jamais certaines limites, tout enfin se réunit pour donner aux coursiers, dans un court espace de temps, la plus grande vitesse dont ils sont capables ; que de l’autre côté, au contraire, une selle et une bride peu convenables pour les courses d’hippodrome, un poids à supporter bien au-dessus quelquefois de celui imposé par les règlemens, un costume qui flotte au vent et qui fait résistance, un entraînement qui n’est pas adapté à la circonstance, le manque de ces pratiques qui sont d’un si grand concours sur le turf, enfin tout coïncide pour que l’énergie, de nos chevaux, toujours dans un court espace de temps, ne paraisse pas, comme en France, dans son plus bel éclat ; si l’on apprécie, disons-nous, toutes ces considérations à leur juste valeur, on tirera cette conséquence : que si l’avantage n’est pas encore du côté des chevaux de l’Algérie, il y a au moins égalité. Cela n’est-il pas une preuve bien convaincante de la supériorité des matériaux qui sont à notre disposition ? »


Maintenant ces progrès, ces résultats sont-ils de nature à effrayer nos éleveurs du midi ? Non.

Nous avons en effet à monter et à remonter en Algérie quatre régimens de chasseurs d’Afrique, trois régimens de spahis, deux régimens de France qui ont été envoyés en Afrique pour remplacer les