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LA


LITTERATURE NOUVELLE




POESIE, THEATRE ET CRITIQUE.





On parlait depuis quelque temps d’une croisade organisée contre les déroutes littéraires par ceux qui se plaisent à s’appeler la jeune phalange : en attendant la venue de Godefroi de Bouillon, nous avons du moins dès à présent Pierre l’Ermite. Dans quelques mois, dans quelques jours peut-être, la campagne va s’ouvrir : que les Gérontes se tiennent bien ! C’est à M. Maxime Du Camp qu’appartient le rôle de Pierre l’Ermite, et j’ai lieu de penser que ce rôle lui a été dévolu par voie d’élection, car il y a dans son accent quelque chose qui indique une force collective. On sent qu’il ne parle pas en son nom seulement, mais au nom d’une armée frémissante, qui n’a pas encore tiré l’épée, et qui demande à grands cris le combat. C’est dans la préface de ses Chants Modernes que M. Du Camp prophétise la ruine prochaine de la gérontocratie. Je voudrais pouvoir prendre au sérieux ce manifeste qui vise au scandale ; mais en bonne conscience, quoique je sois rangé depuis longtemps dans la famille des Gérontes, il m’est impossible de me résoudre au plus léger mouvement de dépit.

Cette préface, vantée d’avance par des amis complaisans comme un prodige de hardiesse, n’est tout bonnement qu’une parodie de la préface de Cromwell. J’ai dit parodie, je n’ai donc pas besoin d’ajouter que c’est le même amour du paradoxe, sans la verve et l’originalité du modèle. Dans ce manifeste belliqueux, il est question de tout et de quelques autres choses. Pourtant, dans cette cohue d’idées