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conseils et d’exemples qui l’y pousseraient plus avant. L’instruction des affaires criminelles a d’ailleurs des limites qui ne dépassent point celles où l’isolement est supportable, et elle occupe elle-même l’esprit du détenu. Il a dans les communications de ses défenseurs une distraction naturelle ; il est dans son pays, non loin des siens, et son sort est décidé avant que les angoisses de l’encellulement commencent pour lui. Il en est de même quand une courte condamnation le frappe, et le condamné en ce cas a l’avantage de rentrer dans le monde sans avoir contracté la souillure du voisinage où il s’est trouvé. Les prisons départementales peuvent contenir 25,000 détenus, et d’après les documens réunis par M. Bérenger, l’application de ce régime serait faite à environ 100,000 individus par an.

Les femmes peuvent être soumises plus longtemps que les hommes au régime cellulaire. Leurs habitudes sont sédentaires ; leurs travaux ne réclament ni grands espaces ni déploiement de force, et il en est peu qui ne puissent s’accomplir dans l’intérieur d’une cellule ; leur réunion dans les villes les mettrait à portée des ouvrages auxquels elles sont le plus propres. Elles sont plus sensibles aux secours de la religion que les hommes, et les consolations de l’humanité leur seraient mieux assurées. L’isolement peut aussi recevoir dans les prisons de femmes de plus nombreux adoucissemens que dans les autres : on n’y forme pas de complots redoutables pour la société, et les femmes ne sont guère coupables de complicité que dans les crimes commis par des hommes. Le travail en commun pourra donc être souvent donné parmi elles comme une récompense.

Telles sont les applications du régime cellulaire auxquelles l’expérience conseille jusqu’ici de se borner. M. Bérenger les étendrait beaucoup plus ; mais peut-être, nous osons lui soumettre cette observation, est-ce à son insu l’effet de l’influence de ses précédens. Il a mieux fait que d’être dans sa carrière parlementaire et dans ses écrits un des propagateurs les plus fervens de ce système pénitentiaire ; il en a éclairé la pratique dans la prison de la Roquette, et l’on a pu prendre l’amoindrissement du nombre des récidives parmi les libérés de cette maison comme la conséquence de l’excellence de son régime intérieur. Cet heureux résultat ne proviendrait-il pas surtout d’une autre œuvre à laquelle est attaché le nom de l’honorable académicien ? Nous voulons parler de la Société de patronage, qui recueille à leur sortie de prison les jeunes libérés, les dirige, les place, les aide de ses conseils, de son influence, et quand il le faut, de secours plus directs. Nous ne savons si, en faisant du bien des deux mains, M. Bérenger a toujours eu l’attention de tenir un compte rigoureux de la part de chacune ; ce n’en serait pas moins