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répandit vers 1825 à propos d’une faute d’impression qui s’était glissée dans un almanach maritime annonçant une marée de 1133 mètres au lieu d’une marée de 113. Tout le littoral de la France et de la Belgique attendait la fin du monde par un déluge d’eau salée, et, en attendant la catastrophe, plusieurs personnes furent malades par l’effet de l’imagination. Ces jours derniers, les tremblemens de terre ont failli avoir l’honneur d’une petite panique de fin du monde, malgré la stabilité du sol de la France et sa pente régulière vers l’Atlantique. Il semble que les gens du monde ne devraient se passionner pour la peur qu’après en avoir obtenu la permission des académies, du moins dans les choses qui ont rapport à la science. Chez nos ancêtres, les jours de pleine lune et de nouvelle lune, les quartiers de croissance et de décours, exerçaient une influence très réelle sur les malades, quoique rien ne soit plus chimérique que cette influence prétendue. Les Orientaux font le conte que voici : Un saint derviche en prières au lever du soleil, dans les environs du Caire, voit un fantôme qui se dirige vers la ville. — Qui es-tu ? — La peste. — Où vas-tu ? — Au Caire. — Pour quel motif ? — Pour y tuer quinze mille hommes. — N’y a-t-il pas moyen de l’arrêter ? — Non, c’est écrit. — Ya donc, mais n’en tue pas un seul de trop. — À la fin de la contagion, la même rencontre se renouvelle. — Tu viens du Caire ? — Oui. — Qu’y as-tu fait ? — J’y ai tué quinze mille hommes. — Tu mens, car il en est mort trente mille ! — J’en ai tué quinze mille, les quinze mille autres sont morts de peur.


(La fin au prochain numéro.)


BABINET, de l’Institut.




MELANGES.
SOUVENIRS DE MILAN EN 1796.

Parmi les œuvres inédites de M. de Stendhal (H. Beyle), dont nos lecteurs ont déjà pu apprécier l’intérêt, se place un travail étendu qui devait embrasser toute la vie de Napoléon. Ce plan si vaste n’a été exécuté qu’en partie, et l’auteur n’a conduit son récit que jusqu’à l’occupation de Venise en 1797 ; mais ces premiers chapitres forment une sorte d’ensemble, qui retrace la première et la plus poétique période de la vie de Napoléon. Les pages qu’on va Ure sur le séjour de l’armée française à Milan sont tirées de cette étude, qui tiendra dignement son rang dans la partie inédite des Œuvres complètes de H. Beyle, dont la publication est aujourd’hui commencée[1].




J’avouerai au lecteur que j’ai renoncé à toute noblesse de style. Afin de donner une idée de la misère de l’armée, me permettra-t-on de raconter celle d’un lieutenant de mes amis ?

  1. Chez Michel Lévy, 2, rue Vivienne.