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Les dignes, les écluses, tous ces grands ouvrages de défense élevés contre les eaux extérieures comme on appelle ici les fleuves et la mer, n’auraient point suffi à rendre la Hollande habitable, si le pays n’eut trouvé encore l’art de se débarrasser des eaux intérieures. Par suite des pluies, des crues et des débordemens de rivières, il s’était, de date immémoriale, formé des flaques, des lagunes, de perpétuels marais, qui s’étendaient très avant dans les terres, et qui défiaient partout la culture. Une autre cause de la présence des eaux était l’extraction de la tombe. Manquant de bois, les habitans se virent contraints de fouiller la terre pour se chauffer, et les tourbières exploitées ne tardèrent point à se changer en lacs. La Hollande présentait alors ce singulier spectacle d’un peuple sans cesse menacé par les inondations et occupé sans cesse, malgré lui, à faire de l’eau. C’est contre un tel état de choses et contre de tels dangers que l’art hydraulique était appelé à réagir par la création des polders. On appela ainsi, d’un mot hollandais qui veut dire terres endiguées, les anciens marécages que les premiers habitans entourèrent d’enclos, de faibles digues, et qu’ils munirent de grossières écluses. Le système des polders se développa avec les progrès de l’agriculture et de l’industrie. Dans l’enfance de l’art hydraulique, on ignorait l’emploi des machines. Ce n’est que plus tard qu’on mit à contribution, pour le dessèchement des terres, un des ennemis de la Hollande, le vent. On ne saurait dire où l’on a construit d’abord les premiers moulins occupés à tirer l’eau des polders. Une tradition porte à croire que ce système fut pratiqué en Hollande vers le commencement du XVe siècle. On raconte qu’en 1408, il y avait à Alkmar, dans la Hollande septentrionale, un certain Florent Alkmade, qui avait établi un moulin hydraulique à vent. Ce moulin servit de modèle à beaucoup d’autres machines du même genre, et l’invention se répandit bientôt dans les districts même éloignés.

D’abord ces moulins étaient chétifs et incomplets ; ils ne pouvaient fonctionner que dans une seule direction du vent, celle du nord-ouest, mais peu à peu ils grandirent en puissance. À la fin du XVe siècle, l’emploi des moulins dans les polders hollandais s’était généralisé. De cette époque datent l’endiguement régulier des terres basses, l’établissement des fossés pour la décharge et la conduite des eaux, la construction d’écluses pour maintenir le niveau entre les réservoirs, en un mot un système tant soit peu scientifique d’assèchement. Par cette découverte, l’état intérieur du pays fut changé, l’agriculture put naître. Aujourd’hui des moulins de toutes formes et de toutes dimensions s’élèvent au milieu des riches campagnes qu’ils déchargent du superflu des eaux ; leurs ailes agitées se confondent à distance dans un ciel tranquille, et donnent au paysage un caractère singulier. Quelques-uns