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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/1186

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profonde pour ceux qui vont s’exposer à de pareils dangers ; mais l’admiration se mêle d’étonnement et de terreur quand on se rappelle les premiers aventuriers qui, sur de frêles embarcations, allèrent explorer pour la première fois ces régions abandonnées, confins mystérieux de notre monde.

Insuetum per iter gelidas enavit ad Arctos.

Trois époques peuvent être distinguées dans l’histoire des expéditions arctiques : — l’une qui s’étend du XVIe siècle au XIXe, — l’autre qui commence avec ce siècle et s’arrête avec le dernier voyage de Franklin, — la troisième, remplie par les expéditions chargées de rechercher ce malheureux navigateur, et que marque la découverte du passage du Nord. Les tentatives des deux premières époques ne comportent guère qu’un exposé rapide, et notre attention se portera particulièrement sur les résultats de la troisième.

Un historien islandais a revendiqué pour ses compatriotes la gloire d’avoir abordé au Groenland et au Labrador, et d’avoir ainsi découvert le Nouveau-Monde bien longtemps avant la fameuse expédition de Christophe Colomb. Les traditions anciennes sur lesquelles il s’appuie ont un caractère trop vague pour que l’histoire puisse les enregistrer, et les explorations sans but et sans résultat de quelques pêcheurs égarés ne peuvent être mises en comparaison avec la tentative féconde de celui qui fraya à l’Europe le chemin d’un monde nouveau. Une conquête qui s’ignore elle-même n’est pas une conquête. Le premier navigateur qui pénétra volontairement dans la zone glaciale fut Sébastien Cabot. Aussitôt après la première expédition de Colomb, son père, John Cabot, marchand vénitien établi à Bristol, avait résolu d’aller explorer ce nouvel hémisphère que l’imagination crédule de cette époque considérait comme un nouvel Éden, où devaient abonder toutes les richesses, et dont la splendeur allait faire pâlir celle même des Indes et de l’empire fabuleux de Cathay. Il obtint en 1496, du roi Henri VII, la concession, comme on dirait aujourd’hui, pour lui et tous ses descendans, de tous les pays où il irait planter le drapeau anglais, à la charge seulement de payer un tribut perpétuel. La générosité calcule rarement avec l’avenir et l’inconnu. John Cabot emmena avec lui son fils Sébastien. Dédaignant de suivre la route ouverte par Colomb, ils s’engagèrent dans un chemin nouveau et des latitudes inconnues, et touchèrent pour la première fois le sol de l’Amérique, sur la côte du Labrador, un an avant que Colomb, dans son troisième voyage, n’arrivât lui-même en vue du véritable continent. Sébastien retourna en Angleterre pour rendre compte de sa découverte ; après une seconde expédition, la