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erreur était celle de beaucoup d’autres ; 1812 allait montrer combien elle était profonde.

Le lieutenant Mörner venait cependant de rentrer dans sa patrie. De même qu’il avait affirmé à Paris que son candidat était celui d’un parti nombreux en Suède, dont il était seulement l’interprète, de même il revint à Stockholm en assurant que Napoléon n’avait d’autre désir que de voir le maréchal Bernadotte devenir le successeur de Charles XIII. Il fit plus : il écrivit à Signeul, qui était resté à Paris, que, l’opinion suédoise ne paraissant pas devoir se prononcer aussi promptement que cela était désirable, il fallait nécessairement faire agir sur elle du dehors, et il prévint le maréchal qu’il devait faire tous ses efforts pour gagner à sa cause le chef du cabinet suédois, le comte d’Engeström, intime confident de Charles XIII. Bientôt le témoignage du général Wrede fit prendre tout à fait au sérieux, à Stockholm de même qu’à Paris, cette proposition inattendue. On s’occupa de la répandre parmi les représentans des quatre ordres qui se réunissaient alors pour la diète d’OErebro. On la soumit aux principaux officiers de l’armée, à Stockholm et dans les provinces. On pressentit surtout ceux des Norvégiens ou des Suédois qui avaient déjà travaillé à la réunion de la Norvège, afin de s’autoriser de leur assentiment et de ménager au nouveau candidat les mêmes suffrages que l’espérance de cette réunion avait assurés naguère au premier prince royal. Toutefois, malgré la rapidité de cette propagande, et bien que quelques-uns des ministres de Charles XIII eussent promptement accueilli la perspective d’avoir un prince qui garantît enfin à la Suède l’alliance française, ni le roi ni ses plus habituels conseillers n’avaient encore renoncé au choix du duc d’Augustenbourg. Charles XIII voyait même avec beaucoup de mauvaise humeur cette agitation, sortie on ne savait d’où ; il reprocha énergiquement au général Wrede et au général Adlercreutz de ne plus être avec lui, et alla jusqu’à exiger d’eux le serment de ne pas voter pour Bernadotte. En même temps le gouvernement suédois opposait au maréchal des bruits calomnieux : il avait, disait-on, fait ses premières armes dans les clubs les plus éhontés de la révolution française ; il avait juré une haine éternelle à tous les rois ; on allait jusqu’à dire qu’il avait pris part aux journées de septembre, quand chacun pouvait savoir qu’il était en ce moment aux armées.

Le 6 du mois d’août, trois semaines après le retour de Mörner, Charles XIII transmit au comité formé par la diète la proposition d’élire le duc d’Augustenbourg ; le 11, une réponse favorable fut envoyée par le comité au roi. La proposition devait encore être examinée par le conseil secret ; puis le roi devait l’adresser à la diète, qui en délibérerait définitivement. On voit qu’il était temps pour les