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« Mais tu souris, comme perdu en des songes lointains. Parle, ô mon bien-aimé, quels sont les désirs qui germent dans ton cœur ?

« — Ah volontiers, ma mignonne, je t’en ferai l’aveu. Je voudrais qu’une froide bise, venant du nord, soudain nous envoyât une blanche tombée de neige,

« Et que nous, des traîneaux peints de couleurs bariolées, au bruit des grelots sonores, aux claquemens des fouets, nous emportassent, bien enveloppés de fourrures, à travers les plaines et les rivières gelées ! »

XXXII.

Dans la forêt, au clair de lune, la nuit dernière, je vis passer les elfes. J’entendais retentir leurs cors, j’entendais sonner leurs clochettes.

Ils chevauchaient sur de petits coursiers blancs qui portaient des ramures d’or, et ils fendaient les airs aussi rapidement qu’une troupe effarouchée de cygnes sauvages.

La reine, en passant au galop, me fit un signe de tête et me lança un sourire. Souriait-elle de me voir encore une fois amoureux ? ou bien son sourire était-il un présage de mort ?

XXXIII.

Le matin je t’envoie les violettes que j’ai trouvées dès l’aube dans la forêt, et le soir je t’apporte les roses que j’ai cueillies à l’heure du crépuscule.

Sais-tu ce que pourraient te dire ces belles fleurs dans leur langage symbolique ? Sois-moi fidèle dès le matin, et aime-moi pendant toutes les nuits.

XXXIV.

La lettre que tu m’as écrite ne m’inquiète pas du tout. Tu ne veux plus m’aimer, mais ta lettre est bien longue.

Douze pages d’une écriture serrée et charmante ! un petit manuscrit ! On n’écrit pas avec tant de soin pour donner congé.

XXXV

Ne crains pas que je trahisse mon amour devant le monde, lorsque mes lèvres, au sujet de ta beauté, débordent en métaphores.

Sous une forêt de fleurs, il est profondément et soigneusement caché, ce secret brûlant, ce feu profond et discret.

Si parfois des étincelles suspectes jaillissent du milieu des roses, — ne crains rien ! le monde de nos jours ne croit pas aux flammes véritables, et il prendra tout cela pour de la poésie.