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de révolution universelle. Les autorités ont rapidement agi, et l’émeute était comprimée quand les habitans d’Angers ont pu apprendre qu’elle avait existé. C’est là par malheur le symptôme d’un travail permanent des passions démagogiques qui pervertissent les populations ouvrières attirées dans les sociétés secrètes. Qu’on compare ces passions envieuses et grossières excitées par des tribuns de taverne à l’entraînant héroïsme de ces soldats qui viennent d’emporter les redoutes de Sébastopol, et qu’on dise où est le vrai peuple, le peuple sain et viril, qui fait la force de la France.

L’histoire des événemens, l’histoire qui se renouvelle et change tous les jours, a certes un intérêt singulier, avec ses accidens glorieux ou tristes. C’est le mouvement réel et contemporain des choses, auquel l’intelligence vient se mêler sous toutes ses formes comme un élément de plus. La littérature elle-même, à vrai dire, n’est que l’expression morale de cette partie intime d’un siècle que les événemens mettent en relief dans la vie active. La littérature est, suivant les époques, correcte et grandiose ou confuse, passionnée ou sceptique, féconde ou stérile. Il y a surtout de notre temps un besoin de connaître qui se traduit en une multitude de travaux et de recherches. Quelle est l’utilité, quel est l’attrait de ces recherches ? Elles font revivre des époques et des figures oubliées, mettent en pleine lumière le contraste des mœurs, des intérêts et des caractères, dégagent ce mouvement mystérieux des rapports de tous les pays et des influences qui prédominent tour à tour. En dehors même des grandes lignes de l’histoire, il y a des faits que les curieux seuls vont rechercher, et qui, une fois dégagés de leur obscurité, éclairent aussi à leur manière certaines époques. N’en est-il point ainsi de cet Épisode de l’Histoire du Hanovre dont on a pu apprécier ici l’intérêt, et que M. Blaze de Bury raconte avec un art libre et attachant ? L’épisode hanovrien qu’a choisi l’auteur peint la vie allemande à un certain moment de la fin du XVIIe siècle ; il touche à l’histoire de la France et va se mêler à l’histoire d’Angleterre. Qui ne se souvient de la tragique destinée de cette princesse Sophie-Dorothée, qui subit une longue captivité et mourut après un séjour de trente-deux ans dans la forteresse d’Ahlden ? Sophie-Dorothée, on ne l’a point oublié, était Française par sa mère, Éléonore d’Olbreuse ; elle était fille du duc de Lunebourg-Celle et femme de l’électeur George-Louis de Hanovre, qui devint plus tard roi d’Angleterre sous le nom de George 1er. Ainsi se nouent les fils mystérieux de l’histoire. D’où vinrent tous les malheurs de Sophie-Dorothée ? Ici apparaît cette originale et vigoureuse famille des Kœnigsmark. Or cette famille est à elle seule toute une galerie de types et de caractères de la vie allemande. À côté du farouche soldat de la guerre de trente ans se dessine la belle et enivrante figure d’Aurore de Kœnigsmark, qui fut la favorite de Frédéric-Auguste de Saxe, et qui eut pour fils le maréchal de Saxe. Ce fut un de ces Kœnigsmark, le beau et aventureux Philippe, qui vint par son amour traverser la destinée de Sophie-Dorothée. Il périt lui-même assassiné, et la princesse resta captive, au lieu de monter sur le trône d’Angleterre. Tel est l’épisode que M. Blaze de Bury ranime dans son récit, qui, en restant exact, a l’attrait d’un roman.

S’il est un pays qui se rattache à la France par tous les liens intellectuels