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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/191

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par l’habile directeur de la vacherie publique du Camp, et par un propriétaire du pays que d’autres genres de succès avaient illustré, M. de Falloux.

L’Anjou paraît donc devoir être pour la France ce qu’est en Angleterre le nord du Yorkshire, le centre de la production des courtes-cornes. L’émulation s’en mêle ; tous les jours on apprend que, dans les ventes des étables les plus renommées d’Angleterre, des échantillons distingués ont été achetés par des propriétaires angevins, et à des prix élevés. Notre herd-book Français s’enrichit ainsi rapidement des noms les plus célèbres du herd-book anglais, dont les descendans viennent chez nous faire souche.

Pour l’acclimatation, au moins dans la région du nord-ouest, il ne peut rester le moindre doute, quand on a vu les animaux exposés cette année, tant par des éleveurs privés que par les vacheries publiques. Je ne crois pas qu’il puisse y avoir de plus beaux types. Ceux qui avaient été amenés d’Angleterre par le prince Albert, lord Feversham, lord Talbot, M. Richard Stratton, etc., n’étaient pas sensiblement supérieurs. Plusieurs générations se sont succédé déjà sur notre sol, sans qu’on ait vu la moindre apparence de dégénérescence ; nous pouvons dire que nous possédons, même pour la race pure, de quoi rivaliser. Quant aux croisemens, c’est toute une carrière nouvelle dont il est impossible de prévoir le terme. Déjà de nombreux essais ont été faits avec des succès divers ; une cinquantaine d’animaux appartenant à diverses catégories de croisemens figuraient au Champ-de-Mars.

Je ne veux pas entrer ici dans la grande question du croisement et du métissage qui se débat en ce moment, et qui est à coup sûr une des plus obscures et des plus ardues de la zootechnie. Je dirai seulement que toute solution systématique me paraît dangereuse ; je ne voudrais ni proscrire ni recommander en principe la formation de races intermédiaires, tant que l’expérience n’aura pas prononcé. Ce qu’il y a de sûr, c’est que, pour quelques exemples du moins, le métissage paraît en voie de réussir. Il y avait à l’exposition des durham-charolais, des durham-flamands, des durham-normands, des durham-manceaux, des durham-lorrains, des durham-bretons, des durham-suisses, qui semblaient fournir des argumens péremptoires en faveur de semblables tentatives. Ce n’est pas que les races pures ne me paraissent en général préférables, quand on peut s’y tenir : avec elles, on sait ce qu’on fait ou à peu près, tandis qu’avec les croisemens et les métissages on marche dans le vague et l’inconnu ; mais, dans ces situations mixtes où l’on veut commencer à sortir de l’ornière sans avoir les moyens de tout changer à la fois, je ne puis m’empêcher de croire que les croisemens ont leur valeur, valeur le plus