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lieu du meurtre, est voisin de la rue où l’on a trouvé la statue de Pompée ; mais, comme je l’ai dit, cette statue avait été enlevée par Auguste de la curie où César périt, et placée à quelque distance de là, devant la basilique voisine du théâtre de Pompée. La joie de cette coïncidence topographique ne peut donc pas être accordée aux sanguinaires archéologues qui l’ont rêvée.

L’art italien a expié le crime d’une main italienne. M. Tenerani, qui avait déjà exécuté un buste de Rossi d’une grande ressemblance et d’une grande vigueur, vient d’achever une statue qu’un noble Romain, de la famille Massimi, le duc de Rignano, destine à être placée dans sa villa, située sur l’emplacement des jardins de Salluste. Le pape, qui aimait Rossi, lui a élevé un petit monument dans l’église de Saint-Antoine, à côté du palais de la chancellerie, où il a été assassiné.

Retournons à la Rome du VIIe siècle ; il n’est rien resté de l’opulent Crassus que la tombe de sa fille. Le hasard des souvenirs qui subsisteront ne peut pas plus s’acheter que la gloire. On connaît la place des jardins de Lucullus, occupée aujourd’hui par l’école française à Rome. Ces jardins rappellent les délices de sa vie : c’est toute la mémoire qu’il a méritée. Mais celui que je cherche surtout, c’est César, personnage extraordinaire qui a dominé cet âge et le termine ; César, le grand ennemi de la république romaine, et qui en a été puni en donnant son nom glorieux à tant de vils empereurs.

On sait où demeurait César. En démagogue avisé, le noble descendant des Jules s’était logé dans la Suburra, au cœur du quartier plébéien, où la tradition plaçait la maison de Servius Tullius, de populaire mémoire. Pompée, moins habile, demeurait assez près de là, dans le quartier opulent et patricien des Carines ; c’est aujourd’hui un des lieux les plus abandonnés de Rome. Le nom de la Suburra (Piazza Suburra) s’est conservé, et ce quartier est plus animé que les Carines, sans être aussi bruyant qu’au temps de Martial, clamante Suburrâ.

Mais ce qui importe surtout de César, c’est son portrait : il y a de lui à Rome plusieurs bustes et statues. J’ai été de l’un à l’autre, cherchant à pénétrer par eux dans l’âme de ce mortel auquel nul n’a été semblable, qui n’est pas cependant pour moi le plus grand des hommes. Que de fois au Capitole[1] j’ai contemplé cette physionomie froide et un peu effacée, mais qui exprime l’intelligence claire de toute

  1. Il y a une statue de César sous le péristyle de la cour du palais des Conservateurs, et un buste haut la salle où se trouvent les portraits des empereurs. Je n’ai pas à parler ici de ceux qui ne sont pas à Rome.