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Tous les corps s’agrandissent quand on augmente leur température ; c’est une loi que révèlent les observations même les plus simples. Faites rougir une barre de fer et mesurez-la, vous la trouverez allongée ; remplissez un flacon avec un liquide, il débordera quand vous le chaufferez, observez un ballon qui s’élève dans l’air, vous le verrez se gonfler quand les rayons du soleil tomberont sur l’enveloppe qui renferme le gaz intérieur. Ces augmentations de volume ou de longueur, bien que généralement fort petites, sont cependant loin d’échapper à nos mesures : un chemin de fer qui serait formé de rails continus, mesurant 1,000 kilomètres, pourrait s’allonger de plus de 1,000 mètres par les variations extrêmes de l’atmosphère. On comprend qu’un phénomène si général, quelquefois si étendu, ne sera pas sans influence dans les opérations des arts ou de l’industrie. La dilatation agrandit les feuilles de zinc qui couvrent les édifices et les déchire ; si on n’y prend garde, elle brise ou elle courbe les tuyaux de fonte qui conduisent le gaz ou les eaux ; elle avance ou retarde les horloges en changeant la longueur des balanciers ; elle intervient dans les détails de la vie intime elle-même. On ne s’étonnera donc point qu’en vue de toutes ces applications les physiciens se soient occupés des changemens de dimensions occasionnés par les variations de la température. Les plus illustres d’entre eux y ont mis tous leurs soins et ont minutieusement mesuré et comparé les dilatations des divers corps. Laplace, Lavoisier, Dalton, Gay-Lussac et beaucoup d’autres savans avaient laissé sur cette matière des travaux étendus. Loin d’aborder un sujet neuf, Dulong et Petit s’adressaient à un de ceux qui avaient été le mieux étudiés et peut-être le plus approfondis ; ils eurent néanmoins l’art de lui rendre de l’intérêt, en considérant la question à un point de vue plus général et en imaginant pour la résoudre des appareils ingénieux dont nous essaierons de donner une idée.

En voulant mesurer la dilatation des liquides, ils furent immédiatement arrêtés par une difficulté grave. On peut, il est vrai, enfermer un liquide dans un tube de verre disposé comme ceux des thermomètres, et mesurer l’augmentation de l’espace qu’il occupe quand on l’a échauffé de quelques degrés, mais on fait alors une épreuve compliquée dans laquelle deux actions différentes interviennent à la fois. Il est bien vrai que le liquide se dilate et que son niveau doit s’élever dans le tube ; mais d’un autre côté le tube se dilate lui-même, sa capacité s’agrandit au moment où il s’échauffe, et ces deux effets se combinent et se superposent. Supposons un instant qu’ils puissent se produire successivement au lieu de se développer simultanément : on verrait d’abord le liquide baisser dans le tube au moment où le vase prendrait un plus grand volume, et remonter ensuite quand il se dilaterait lui-même. L’une