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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 juillet 1855.

Au milieu des pénibles et émouvantes épreuves dans lesquelles l’Europe est condamnée à vivre, à travers ces complications toujours nouvelles qui se succèdent, il y a un fait qu’il est impossible de ne point remarquer, parce qu’il peint notre temps : c’est la rapidité avec laquelle tout se divulgue, c’est l’obligation où sont les cabinets eux-mêmes de se rendre à ce besoin universel de tout connaître. Jamais crise plus grave et impliquant plus d’intérêts ne s’est mieux déroulée au grand jour. Les actes sont à peine accomplis, qu’ils passent dans le domaine public. Il y a peu de temps, la conférence de Vienne n’avait point fini son œuvre, qu’on connaissait ses travaux et ses délibérations. Les gouvernemens les plus divers se soumettent à cette puissance nouvelle de l’opinion générale, et ils lui rendent hommage en recherchant sa faveur, en plaidant, pour ainsi dire, leur cause devant elle. Ce n’est pas seulement dans les pays libres depuis longtemps et façonnés aux habitudes de discussion, comme l’Angleterre, que ce fait se produit ; il en est ainsi partout. En France, l’autre jour, à l’ouverture de la session extraordinaire des chambres, l’empereur exposait notre situation diplomatique et militaire à l’appui d’une demande de ressources nouvelles, et la commission du corps législatif chargée d’étudier un projet d’emprunt ne s’est point crue obligée de s’abstenir de tout examen dans la mesure qui lui est assignée. La Russie elle-même se sert de la publicité. Récemment encore, on a vu le cabinet de Saint-Pétersbourg chercher à prévenir le jugement de l’opinion au sujet de cette triste affaire d’Hango, dans la Baltique, où des marins anglais allant en parlementaires ont eu à essuyer le feu des soldats russes. L’Autriche et la Prusse suivent l’impulsion, et livrent aux journaux les savantes énigmes de leur politique. La diplomatie peut avoir des secrets, elle en a qu’elle ne dévoile pas, sans nul doute : il y a aussi toute une partie publique. La diplomatie se fait même quelquefois par la presse, et chaque incident est suivi