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je ne retrouve pas dans l’œuvre du sculpteur anglais. Il y a d’ailleurs un autre défaut à signaler dans cette figure, qui révèle pourtant un ardent désir de bien faire. M. Gibson paraît avoir consulté les galeries du Vatican beaucoup plus souvent que la nature : aussi son Chasseur manque-t-il de force et de solidité. Les membres ne sont pas attachés comme ils devraient l’être. La cause de cette mollesse n’est pas difficile à deviner. Il n’est pas nécessaire de posséder une grande sagacité pour affirmer que l’auteur n’a pas fait un usage assez fréquent du modèle vivant. Cependant à Rome les beaux modèles ne manquent pas. Il y a parmi les Transtévérins de mâles figures dont la sculpture peut tirer un excellent parti. Les bergers qui gardent leurs troupeaux à cheval, la lance à la main, ne sont pas non plus à dédaigner. Pourquoi donc M. Gibson, après avoir consulté le Méléagre, n’a-t-il pas interrogé avec le même soin les Transtévérins et les bergers de la campagne romaine, si fièrement, si solidement campés sur leurs montures ? On dirait qu’en modelant son Chasseur, il a reculé devant la virilité, devant l’expression mâle et sauvage, comme devant un danger ; on dirait qu’en songeant à la galerie du comte d’Yarborough, il a cherché à traiter son sujet en homme bien élevé, habitué aux belles manières. Ce n’est peut-être là qu’une conjecture sans fondement ; cependant il est bien difficile de ne pas s’y arrêter quand on pense aux modèles admirables que M. Gibson avait sous la main, et qu’il a négligés. Pour renoncer à de tels modèles, il a dû se donner à lui-même quelque raison puissante, étrangère aux conditions de son art. Il s’est dit peut-être : Mon Chasseur sera exposé aux regards des belles dames ; il ne faut pas les effaroucher. Si c’est là ce qu’il s’est proposé, j’avouerai qu’il a trop bien réussi. Il a fait une figure élégante, mais son Chasseur n’a jamais lutté avec le sanglier.

MM. Bell, Durham, Macdowell et Spence peuvent servir à nous montrer au prix de quels efforts la sculpture s’acclimate en Angleterre. L’Angéligue de M. Bell révèle assurément le sérieux désir d’imiter la nature ; mais cette imitation laborieuse manque absolument d’élégance. Et puis, chose étrange pour un sculpteur, il semble que l’auteur ait reculé devant la nudité pure, qu’il ait craint d’effrayer les yeux en nous offrant la beauté sans voiles : une tresse de cheveux, ramenée sur le corps d’Angélique, paraît demander grâce pour la hardiesse du sujet. À parler franchement, c’est là une puérilité ridicule. La statuaire ne connaît pas, n’accepte pas ces timides ménagemens. La nudité traduite par le marbre n’a rien d’impudique. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les images de Vénus que la Grèce nous a laissées, et qui n’éveillent en nous que l’admiration ; qu’on regarde au contraire la Vénus de Canova, placée au