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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/495

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Le nouveau peuple magyar ne reste pas longtemps dans les plaines de la Mer-Noire sans tenter la conquête des pays, possédés autrefois par Attila, et un roi de Germanie, Arnulf, lui ouvre par vengeance les défilés des Carpathes. Ennemi de Sviatipolg ou Sventibold, qui venait de fonder le royaume slave de Moravie sur les débris de l’empire avar, Arnulf appelle à lui les Magyars, les excite à la destruction des Slaves, leur livre enfin l’entrée d’un pays qu’ils pouvaient presque réclamer comme leur patrimoine. Sous le duc Almis, ils occupent la Transylvanie et d’autres points élevés de la chaîne des Carpathes ; sous le duc Arpad, fils d’Almus, ils descendent de la montagne dans la plaine et envahissent la Pannonie. Ces deux noms d’Almus et d’Arpad, ainsi que les faits auxquels ils se rattachent, sont également connus de la tradition et de l’histoire ; seulement la tradition se tait sur le roi de Germanie Arnulf ; elle donne pour unique mobile aux entreprises des Hongrois la revendication de l’ancien royaume d’Attila.

Possesseurs de toute la contrée située entre les Carpathes et la Drave, les Hongrois y trouvent des populations qui toutes conservent des souvenirs traditionnels d’Attila et des premiers Huns. Ce sont d’abord les restes des Avare, protégés par les successeurs de Charlemagne contre la férocité des Slaves, puis les Pannoniens et les Valakes ou Roumans. Les Avars possédaient sur les premiers temps de la domination hunnique en Europe la tradition directe, provenant des fils et des compagnons d’Attila ; les Valakes et les Pannoniens, la tradition latine, mêlée à de nombreuses notions locales : ce furent deux sources d’information dont les Hongrois purent profiter. Peut-être aussi, comme ils le prétendent, apportaient-ils avec eux d’Asie, touchant Attila et sa famille, certains souvenirs domestiques particuliers à leur race : ce serait une troisième source de tradition. Enfin, si l’on en croit une opinion répandue en Hongrie dès le XIe siècle, les Magyars, à leur arrivée en Transylvanie, y trouvèrent une tribu qui parlait leur langue et se disait issue du peuple d’Attila, la tribu des Szekhely, en latin officiel Siculi. Sans m’expliquer sur cette prétention des Sicules, qui fournirait, si elle était vraie, une quatrième source à la tradition, je me bornerai à dire que l’histoire ne la repousse pas absolument ; toutefois ne l’admettrait-on pas, qu’il resterait encore assez d’élémens d’une tradition hongroise possible. Ajoutons à cela les importations germaniques, françaises et italiennes, qui, pénétrant peu à peu dans la tradition hongroise, tantôt se sont incorporées heureusement avec elle, tantôt l’ont fait dévier de son sens primitif.

Bien évidemment l’existence de traditions hongroises sur Attila et sur les Huns n’a rien d’impossible ; mais ces traditions existent-elles ?