Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/528

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devant le pontife. Prosterné aux pieds de son trône, l’évêque de Strigonie expose humblement les travaux du duc Étienne et le vœu du peuple hongrois qui réclame pour son chef la bénédiction apostolique et le titre de roi. Sylvestre en l’écoutant laisse éclater son allégresse, car il se rappelle les paroles de l’ange, et reconnaît la vérité de sa vision. Il l’encourage avec une bienveillance paternelle. Exécuteur des promesses du Christ, il livre, pour être remise au descendant d’Attila, cette couronne qu’il avait fait fabriquer avec tant de sollicitude, et qu’il avait enrichie de tous les dons du ciel et de la terre, gage mystérieux qu’il avait préparé à son insu, prix du marché jadis conclu entre Jésus-Christ et son fléau pour le rachat de Rome et des ossemens des apôtres. Sylvestre, admirant les voies de Dieu, accorde une autre grâce encore au duc Étienne ; il lui fait don d’une croix qui doit être portée devant lui comme marque de son apostolat. « Je ne suis que l’apostolique, dit-il à l’évêque Astricus ; Étienne est l’apôtre élu de Dieu pour la conversion de son peuple. » Chargée de ces précieux trésors et d’une lettre qui renferme la bénédiction du saint père, l’ambassade se remet en route sans perdre un instant, et regagne à toute vitesse les bords du Danube.

Le lendemain, c’était le tour de Lambertus et des envoyés polonais. Aux premiers rayons du jour, ils entrent dans le palais pontifical ; mais le pontife les accueille par les paroles d’Isaac à Esaü : « Un autre est venu qui a dérobé la bénédiction de son frère. » Lambortus à ces mots pousse un cri de surprise et de douleur : « Père très saint, dit-il à Sylvestre, si la couronne a été enlevée à Miesco, qu’il conserve du moins ta bénédiction ! » — « Alors, reprend le pape d’un ton sévère, faites pénitence, car le seigneur Dieu est irrité contre vous. Il m’a ordonné par son ange de vous rejeter, et de couronner d’une couronne chrétienne le duc de la nation féroce et indomptable des Hongrois. Cette nation sera grande, les apôtres Pierre et Paul la protègent, et quiconque s’élèvera contre elle encourra leur indignation. » Ainsi, par la vertu d’Attila, non-seulement les Hongrois possèdent cette couronne « d’une durée infinie » qui leur était promise depuis tant de siècles, mais ils l’enlèvent aux Polonais leurs rivaux, leurs prédécesseurs dans la voie du christianisme. Le peuple magyar est l’Israël des peuples du Nord, conquis par l’Évangile à la civilisation.

La sainte couronne (c’est le nom qu’elle prit dès lors et qu’elle porte encore aujourd’hui) est reçue triomphalement par le peuple hongrois, accouru en foule au-devant d’elle, duc et sujets, grands et petits. L’évêque de Strigonie la place avec respect sur la tête d’Étienne ; puis, soustraite aux regards profanes, elle est déposée dans un sanctuaire comme un objet sacré. Le règne d’Étienne remplit toutes les espérances qu’il avait fait naître : par les soins du