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l’émouvoir encore, cette émotion n’était que le dernier souffle d’une tempête déjà lointaine. Lorsque le nouveau surintendant Fouquet eut réclamé la vérification de ses édits, et que cette compagnie eut élevé pour la dernière fois sous ce long règne la prétention de les discuter, on sait dans quel appareil Louis XIV accourut à Vincennes pour lui intimer l’ordre de les enregistrer sans délai et sans examen. Ceci était devenu tellement naturel en 1655 que les contemporains n’en auraient probablement témoigné nul étonnement, sans l’étrange costume et les paroles très inattendues par lesquelles un prince de dix-sept ans révélait au monde étonné sa personnalité royale.

Le parti des princes disparut plus complètement encore d’un théâtre que la royauté allait désormais occuper seule. La facilité que rencontra Mazarin pour réduire ses adversaires constata d’une manière à la fois péremptoire et déplorable l’inaptitude politique de l’aristocratie française. Afin de triompher des dernières résistances entretenues par le prince de Conclu dans les provinces méridionales, Mazarin employa simultanément les négociations et les armes, le premier moyen lui réussissant d’ailleurs beaucoup trop bien pour qu’il eût à faire un emploi sérieux du second.

Entre les personnages qui avaient si vainement troublé l’état, un seul ne fut point admis à profiter de la politique dont le cardinal avait emprunté les secrets a Henri IV victorieux et aux registres de Sully, chargé d’en acquitter les frais : le cardinal de Retz, arrêté au Palais-Royal, comme l’avait été M. le Prince, le remplaça à Vincennes. Transféré, quinze mois après, au château de Nantes, on sait qu’il en sortit au risque de sa vie, et qu’il atteignit après mille périls cette Rome, éternelle patrie des proscrits, où il usa contre son heureux rival, dans des intrigues sans portée, la stérile activité que lui avait départie la nature. Homme étrange, qui, en maximant avec art les pratiques d’une vie toute de hasard ; rencontra la gloire littéraire, dont il était peu touché, au lieu de la renommée politique qu’il avait poursuivie avec passion ! Vindicative et hardie, Anne d’Autriche haïssait Gondi sans le craindre ; Mazarin au contraire le craignait sans le haïr, car ces deux hommes avaient constamment entretenu des relations secrètes au plus fort de leurs luttes. Le ministre jugea qu’après la rentrée de la cour à Paris, le coadjuteur était désormais le seul personnage qui pût l’inquiéter par son influence sur le clergé et sur le peuple, sur certains salons et sur quelques jeunes magistrats des enquêtes que le découragement général n’avait pas encore atteints. Les autres ne pouvaient en effet le préoccuper en aucune façon, car à peine valaient-ils l’argent qu’il dépensait pour les acheter.

Le duc d’Orléans acheva à Blois, dans la retraite, une existence qui n’avait été qu’un long enchaînement de déceptions pour les autrès