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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/728

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et Violette. Les deux belles-sœurs arrivent enfin à la paix du cœur par le même moyen, mais en suivant des voies bien différentes : Violette en acceptant humblement les douleurs et les injustices, en s’armant de la religion contre les préjugés de famille, contre les ennuis du ménage, contre la solitude remplie d’amertume que lui fait un mari aimant et bon, mais léger, étourdi et mondain ; Théodora, en essayant de lutter contre la force des choses et en maintenant d’une main ferme ce drapeau d’orgueil sous lequel elle s’abrite jusqu’à ce qu’enfin elle tombe brisée et se voie forcée d’avouer sa faiblesse. C’est une lutte qui dure longtemps et qui est pleine de petites péripéties dont la description accuse chez l’auteur une grande connaissance de ce petit monde, si restreint et si plein de douleurs infinies, le foyer domestique ; mais toutes ces douleurs sont enfin apaisées par la religion, et l’auteur insinue heureusement, à la fin de son roman, que ces chagrins que nous nous créons seraient considérablement réduits, si la religion présidait à notre vie et dirigeait nos actions. « Oh ! Arthur, dit Violette, ne voulez-vous point vous agenouiller avec moi, afin que nous rendions grâces à Dieu de tant de bonheur ? Ah ! ce qui paraissait d’abord devoir être des couronnes d’épines et des croix de douleur s’est changé en bénédictions. »

Pour donner une idée du style de conversation et du ton général de sentiment de ces livres, nous choisirons deux passages non parmi les meilleurs, mais parmi ceux qui peuvent se passer de longues explications, car c’est là encore un défaut des récits de miss Yonge, chacune de leurs situations prise isolément ne se comprend pas sans des commentaires, et n’offre pas à l’esprit un intérêt dramatique suffisant. Arthur vient d’introduire sa femme dans sa famille et de la présenter à sa tante mistress Nesbit, qui ne cesse de faire des allusions désagréables à ce mariage malheureux :


« Arthur s’assit auprès de sa tante et se mit à causer avec elle dans ce langage familier qui, lorsqu’il était écolier, lui avait si souvent conquis bank-notes et souverains. Toutefois son empressement fut moins bien reçu qu’autrefois, et il ne reçut en récompense que des coups de griffe. Il espérait, dit-il, qu’elle avait bien passé l’hiver, et que cette saison ne lui avait pas paru trop ennuyeuse. — Il était impossible de s’ennuyer avec une personne telle que Théodora, répondit-elle ; la solitude avec elle était un plaisir, et démontrait tout l’avantage de la société d’un esprit cultivé.

« — Jadis elle n’avait pourtant pas de bien grandes dispositions à l’étude, dit Arthur.

« — Non, lorsqu’elle était enfant ; mais les bonnes années pour l’étude viennent plus tard. L’éducation ne commence guère avant dix-sept ans.

« — Les jeunes femmes ne vous seront pas très reconnaissantes de cette maxime.